En pratique, un contrôle d’activité des professionnels de santé libéraux est déclenché dans trois hypothèses :

  • A la suite d’un signalement
  • En cas de pratiques atypiques de facturation
  • En raison d’une activité jugée trop importante par rapport aux moyennes régionales

Dans sa quête de redressement de tout abus professionnel commis au préjudice de la sécurité sociale, les résultats du contrôle vont très souvent déboucher sur la mise en œuvre de différentes poursuites à l’égard du professionnel de santé concerné.

Indépendamment de la faculté d’agir en restitution de l’indu, de déposer une plainte pénale ou devant la section des assurances sociales, l’article L.162-1-14 du Code de la sécurité sociale confère au Directeur de la caisse le pouvoir de prononcer une sanction financière.

La procédure de pénalité débute par la notification des faits reprochés au professionnel de santé concerné afin qu’il puisse présenter ses observations ou demander à être entendu par la commission dans un délai d’un mois.

Il est fortement recommandé d’user de cette faculté d’audition dès lors que la commission sera chargée d’émettre un avis, dans un délai maximum de trois mois (à défaut il est réputé rendu), sur la matérialité et la gravité des faits reprochésla responsabilité de la personne ainsi que le montant de la pénalité susceptible d’être appliquée.

C’est sur la base de cet avis que le Directeur de la caisse décidera ou non de poursuivre la procédure. S’il décide de poursuivre, il doit alors saisir le Directeur général de l’UNCAM d’une demande d’avis conforme.

Le prononcé d’une pénalité suppose d’établir l’existence d’une fraude.

L’article R.147-11 du code de la sécurité sociale précise que « Sont qualifiés de fraude, pour l'application de l'article L. 162-1-14, les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie, […] lorsque aura été constatée l'une des circonstances suivantes :
1° L'établissement ou l'usage de faux, la notion de faux appliquée au présent chapitre étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, déclaration d'accident du travail ou de trajet, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ;
2° La falsification, notamment par surcharge, la duplication, le prêt ou l'emprunt d'un ou plusieurs documents originairement sincères ou enfin l'utilisation de documents volés de même nature ;
3° L'utilisation par un salarié d'un organisme local d'assurance maladie des facilités conférées par cet emploi ;
4° Le fait d'avoir bénéficié, en connaissance de cause, des activités d'une bande organisée au sens de la sous-section 2, sans y avoir activement participé ;
5° Le fait d'avoir exercé, sans autorisation médicale, une activité ayant donné lieu à rémunération, revenus professionnels ou gains, pendant une période d'arrêt de travail indemnisée au titre des assurances maladie, maternité ou accident du travail et maladie professionnelle.
Est également constitutive d'une fraude au sens de la présente section la facturation répétée d'actes ou prestations non réalisés, de produits ou matériels non délivrés. ».

Si en pratique, le sens du mot fraude laisse peu de place à l’interprétation, les éléments de preuve retenus par la caisse pour qualifier une telle fraude et fonder des poursuites sont assurément et très souvent discutables.

Dans ce contexte, et même si en principe, l’avis de la commission ne lie pas le Directeur de la caisse, le professionnel de santé concerné a donc tout intérêt à solliciter son audition et à présenter, sous couvert de celle-ci, des observations ainsi que toutes justifications de nature à discuter la matérialité des griefs, les éléments qui selon la caisse caractérisent la fraude, ainsi que le montant de la pénalité (ce d’autant lorsqu’il a fait preuve de négligence à réception de la notification des griefs).

Prenons un exemple concret.

Dans une affaire récente, une infirmière a fait l’objet d’un contrôle d’activité à l’issue duquel elle s’est vue notifier pas moins de neuf griefs (sur cotations d’AIS 3 et d’AMI, erreurs de cotations, surfacturations d’IK, facturations abusives ou injustifiées, réalisation d’actes fictifs, prescriptions illisibles etc.).

L’infirmière n’avait pas souhaité être entendue sur les griefs reprochés et n’a pas apporté tous les éléments justificatifs (DSI, prescriptions etc.).

Pourtant, à ce stade de l’audition, les divergences d’interprétation relatives à la facturation des AIS 3 ou la facturation d’IK auraient pu être utilement mises en évidence.

De même, la base des poursuites (un signalement sur un comportement atypique effectué par un couple de gérant d’une structure, sur fond de mésentente avec l’IDEL et dont l’audition a été recueillie de façon semble-t-il irrégulière) méritait également d’être discutée.

En ce qui concerne la gravité, ce caractère pouvait-il être retenu en l’absence de réitération des actes reprochés dans le temps ?

Et, en tout état de cause, une erreur de facturation ou une négligence ne signifient pas pour autant qu’il s’agit de manquements volontaires. La fraude, dans toutes ses composantes, doit être caractérisée par la caisse sur la base d’éléments objectifs et irréfutables.

Tous ces éléments sont importants à souligner au stade de l’audition avec l’aide, le cas échéant, d’un avocat, et/ou d’un représentant de la profession concerné (pour la partie médico-technique), dès lors que le montant de la pénalité est fixé proportionnellement aux sommes concernées, en fonction de la gravité des faits reprochés et de l’état ou non de récidive.

Or, négligeant cette étape fondamentale de la procédure de pénalité, la Commission relève dans son avis que très peu de pièces ont été réceptionnées pendant la période contradictoire de contrôle et qu’aucun élément justificatif n’a été transmis. Elle se prononce à l’unanimité en faveur d’une pénalité financière. Elle retient en outre la gravité des faits reprochés, notamment en ce qui concerne la réalisation d’actes fictifs.

 

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