Tout a été développé à ce sujet dans ce cahier dédié à l’intelligence artificielle (Ci –après IA) : le crédo de cette rubrique est n’ayons pas peur car nous utilisons tous déjà, dans notre vie courantes comme professionnelle,  l’IA.

Que de barbarismes : Blockchains,  algorithmes prédictifs, Ethique et IA, Machine learnig, IA faible et IA forte, qui vous ont été si bien exposés et devraient vous avoir rassurés sur notre exercice future.

L’Avocat s’est de tout temps, pour exercer son métier,  adapté à la technologie, parfois même  à son insu ;  il a commencé avec le papier carbone, la photocopie, la machine à écrire puis l’informatique et ses déclinaisons (envoi systématique de courriels, Internet,  RPVA, télérecours,  utilisation de serveurs, de la visioconférence et tant d’autres outils).

En réalité, rien n’a changé, si ce n’est que le futur nous met au centre des nouveaux défis qui s’offrent à nous, non pour nous exclure, mais bien car notre Ethique est plus forte, plus précieuse et chaque jour davantage impérieuse[1].

Cette Ethique n’a pas de limite et s’impose à tous nos partenaires que ce soient nos clients, nos confrères, nos interlocuteurs,  l’Etat et bien évidemment nous même.

Ce qui cristallise inconsciemment chez chacun d’entre nous et pas qu’en notre qualité d’avocats notre peur, c’est ce que l’on nomme IA profonde et algorithmes prédictifs.

Qu’est-ce que l’IA profonde ? Elle nous a été définie et nous avons donc tous compris, elle n’a pas de statut juridique, mais un régime polymorphe[2].

Lors d’une émission dédiée  aux Robots et donc à l’IA  Monsieur Jean-Gabriel Ganascia, relevait que : «  L'intelligence je ne sais pas ce que c'est,  c'est pour ca que je fais de l'IA qui est une discipline scientifique qui étudie l'intelligence avec les machines en essayant d'en simuler les fonctions , l'intelligence est la résultante de tout un tas de facultés cognitives par exemple mémoriser, raisonner, percevoir, l'IA simule ces facultés pour mieux les comprendre et avec les résultats de l'IA on peut fabriquer des robots très utiles[3] ».

Les scientifiques cherchent, c’est leur métier et c’est bien ce qu’a exprimé à plusieurs reprises, Monsieur Cédric Villani, médaillé Fields[4] ; les chercheurs sont attentifs à l’Ethique mais la recherche fondamentale ne sait pas  par hypothèse,  vers quelle destination elle s’oriente.

Alors quel est le rôle de l’avocat ? Se dresser vent debout pour s’opposer à une échéance inéluctable ? La réponse est bien évidemment négative.

L’avocat a tous les outils juridiques, par ordre croissant,  qu’ils, soient jurisprudentiels, doctrinaux (et pas doctrinaires..), légaux, constitutionnels et conventionnels pour se présenter comme le bouclier de la défense des intérêts de ses clients et donc de la collectivité.

Il doit donc s’emparer des nouvelles techniques, qu’on lui impose non pour les faire seulement siennes, mais surtout  pour les confronter avec les libertés fondamentales et garantir que toute innovation ne porte pas atteinte à l’Humain.

Car là est l’enjeu, le seul, l’unique, l’IA profonde, les logiciels prédictifs vont –ils se substituer à l’Homme ?

La réponse est bien évidemment négative en l’état,  et cela devrait être notre crédo, notre seule émulation car la prédiction ne peut être interchangeable avec le cerveau Humain, même si ce dernier est malmené[5].

L’intelligence est la faculté de raisonner et de s’adapter (ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et relationnelle ;  aptitude d’un être humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’actions en fonction des circonstances)[6] .

Certes, des machines calculent plus vite que l’homme et  ont intégré depuis des décennies des raisonnements basics (calculatrice)   : c’est la promptitude qui est ici en jeu et nous ne pouvons que nous emparer de tout outil qui tend à nous permettre de trouver par exemple, plus rapidement un argument ou un fondement juridique, ou même un positionnement stratégique.

Penser, être un Homme, un Humain c’est éprouver de l’empathie ; en cas contraire nous devenons des robots et le Code civil n’aura pas à être modifié ni le statut juridique desdits robots poser question.

Dans une société démocratique, ce qui est encore le cas pour ce qui nous concerne, l’IA ne devrait pas interférer sur notre exercice quotidien car quel Homme politique accepterait que son sort soit jeté en pâture à une machine fusse telle bien programmée ?

La justice prédictive n’est que la transposition de statistiques dans d’immenses bases de données et le danger est le mode de  programmation de ces données; notre serment nous impose de les réfuter sauf pour des recherches de jurisprudence ; or, la jurisprudence est constituée de l'ensemble des décisions de justice : elle contribue à l'application et à la connaissance du droit, les juges étant conduits à interpréter les règles dont ils doivent faire application pour trancher les litiges qui sont portés devant eux[7].

Trancher un litige, juger, c’est par hypothèse, livrer une décision dans une  affaire lambda.

 La jurisprudence a de beaux jours devant elle, et nous devons nous en assurer car souvenons nous  de l’article 5 du Code civil qui dispose qu’il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises, les faits, font le droit et un typologie de décision peut être certes dégagée mais en aucun cas devenir la seule source de droit car le juge comme l’avocat sont faillibles et un logiciel encore davantage, dès lors qu’il ne peut se saisir a priori des tenants et aboutissants d’une affaire que seules les pièces d’un dossier quel qu’il soit, nous permettent d’analyser.

Avocats vs IA , nous sommes encore les maîtres du jeu.

 


[1] Lire l’article de Sergey Brun cofondateur de Google paru sur le site Forbes France le 30 avril 2018 (en ligne).

[2] Elle fait appel au code de la propriété intellectuelle notamment, (logiciels, bases de données..) mais également au code pénal (traitements des données), à la cryptologie , au RGPD actuellement en cours de transposition en droit français.

[3] ©  France Inter, @telson 4 janvier 2018

[4] En 2010

[5] Sciences et avenirs, 23 mars 2018 ou comment une société japonaise reproduit nos pensées ?

[6] Encyclopédie Larousse

[7] Site Legifrance a propos de l’ordre juridique français