La Cour de cassation a renvoyé le 01 février 2022, au Conseil Constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité, portant sur les articles 706-102-1[1] et 230-1[2] du code de procédure pénale.

Ces dispositions autorisent le Procureur de la république comme le juge d’instruction à recourir aux moyens de l’Etat, soumis au secret de la Défense nationale, ce notamment pour procéder à la captation de données numériques et à leurs déchiffrages.

La Cour de cassation poursuit sa démarche entamée notamment par la transmission de la QPC[3] qui a permis de censurer les dispositions des articles 77-1-1[4] et 77-1-2[5] du Code de procédure pénale par le Conseil Constitutionnel le 03 décembre 2021.

En effet celles-ci permettaient, puisqu’elles ont été censurées, au Procureur d’obtenir par simple réquisition, les données de connexion dans le cadre d’une enquête préliminaire sans aucun contrôle d’une juridiction indépendante en l’espèce le juge des libertés et de la détention.

Il est légitime de se questionner à propos du contrôle de ces techniques d’enquêtes numériques, d’autant plus qu’en recourant à des techniques relevant du « secret défense », l’atteinte aux principes directeurs de la procédure pénale tels que l’égalité des armes et du contradictoire est manifeste car par essence, le secret défense fait obstacle à tout encadrement et contrôle des process utilisés pour obtenir des informations que le mis en cause ne peut utilement contester.

En effet le sceau secret Défense pouvant être apposé sur tout élément à la discrétion de l’administration selon l’article 413-9[6] du code pénal ; on ne peut que s’étonner qu’aucun texte ou juridiction n’ait défini cette notion, la même utilisée pour garantir le secret des conseils des ministres concernant la gestion de l’épidémie de covid-19.

Ces nouvelles QPC mettent en exergue la percée du droit du numérique national et européen au sein de la procédure pénal française. Les avocats doivent donc rapidement intégrer ce nouveau champ qui constitue un moyen efficace de défense.

La réponse du Conseil Constitutionnel va sans nul doute être capitale pour l’exercice futur de la défense pénale.

Une idée de QPC ? N'hésitez pas à faire appel au cabinet !

                                     

Maître Myriam Manseur, Avocate au barreau de Marseille & Wahil Boudiaf, stagiaire au sein du cabinet.



[1] Article 706-2-1 du Code procédure pénale : Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut également prescrire le recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier.


[2] Article 230-1 du Code pénal : Le procureur de la République, la juridiction d'instruction, l'officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l'affaire peut prescrire le recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale selon les formes prévues au présent chapitre.


[3] Article 61-1 de la Constitution : Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.


[4] Article 77-1-1 du Code de procédure pénale : Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier ou l'agent de police judiciaire, peut, par tout moyen, requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des informations intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces informations


[5] Article 77-1-2 du Code de procédure pénale : Sur autorisation du procureur de la République, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut procéder aux réquisitions prévues par le premier alinéa de l'article 60-2.


[6] Article 413-9 du Code pénal : Présentent un caractère de secret de la défense nationale au sens de la présente section les procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès.