La règle de base en matière de preuve est posée par l’article 1343 du code civil selon lequel :

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

Appliquée à la problématique des heures supplémentaires prétendues effectuées et non payées par le salarié, il appartiendrait au salarié de prouver qu’il a accompli le nombre d’heure revendiqué et qu’elles n’ont pas été payées par l’employeur, à charge pour ce dernier de prouver le contraire.

Cette épreuve est difficile pour le salarié qui ne dispose pas des outils d’une direction Ressource humaine pour tenir un décompte précis de ses heures de travail effectives.

La Cour de cassation et la loi ont assoupli ces règles au profit d’une preuve partagée entre le salarié et l’employeur.

L’article L.3171-4 du code du travail prévoit que :

« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

Ainsi, en théorie, salarié et employeur doivent apporter chacun leurs éléments de preuve.

La pratique est que, souvent, le salarié établit a posteriori son décompte le plus précis possible et apporte les éléments de preuve dont il dispose. L’employeur a alors toute latitude pour critiquer la précision et porter atteinte à la crédibilité de l’ensemble du décompte et pointer l’absence de preuve fournie par le salarié.

Cette méthode a pu fonctionner notamment devant une cour d’appel qui a rejeté la demande du salarié selon les motifs suivants « les documents produits devant la cour n'ont pas été établis au moment de la relation contractuelle dans la mesure où ils sont différents de ceux produits devant le conseil des prud'hommes à l'appui de la demande initiale, qu'en effet l'employeur produit le décompte des heures supplémentaires présenté par le salarié aux premiers juges duquel il ressort de notables différences avec les tableaux produits dans l'instance devant la cour d'appel, ainsi par exemple (…), qu'ainsi il ressort desdits tableaux des contradictions manifestes, le salarié ayant opéré devant la cour d'appel des modifications pour tenter de corriger ses précédentes invraisemblances relevées alors à juste titre par l'employeur devant le conseil des prud'hommes, que pas plus les notes de frais que les « exemples de billets de train » ou l'attestation de l'épouse du salarié émanant d'un proche et, comme telle, dépourvue de valeur probante, ne sont de nature à étayer la demande du salarié, que dès lors les éléments présentés par le salarié ne sont pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande et permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres élément ».

La Cour de cassation a sanctionné cette décision, rappelant non seulement les dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail précité mais également celles des articles :

  • L. 3171-2, alinéa 1er aux termes duquel « lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés » ; et
  • L. 3171-3 qui (dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), décide que « l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ».

Ainsi, la Cour de cassation rappelle l'appréciation des éléments suffisants doit se faire aussi par rapport à ce que répond l'employeur. La Haute cour reproche à la cour d'appel d’avoir construit son analyse uniquement sur les éléments rapportés par le salarié. La charge de la preuve ne pèse pas spécialement sur le salarié ou sur l’employeur.

Selon la Cour de cassation, les juges du fond doivent apprécier les éléments produits par le salarié à l’appui de sa demande en paiement d’heures supplémentaires au regard de ceux produits par l’employeur et ce, afin que les juges, dès lors que le salarié a produit des éléments factuels revêtant un minimum de précision, se livrent à une pesée des éléments de preuve produits par l’une et l’autre des parties.

En visant les articles l’article L. 3171-2 et l’article L. 3171-3, la Cour de cassation attend sans doute que l’employeur produise au minimum ces documents obligatoires.

Ce mécanisme de preuve est propre aux heures supplémentaires et son application concrète a tendance à se faire avec une dose d’application des règles classiques. La Cour rappelle ainsi la règle de la preuve partagée tout en conservant l’ordre probatoire imposée par l’article 6 du code de procédure civile.

 

Sources : Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919, FP-P+B+R+I