Le licenciement économique d’un salarié est par nature une rupture du contrat de travail décidé par l’employeur mais pour des raisons qui ne tiennent pas à la personne du salarié.
Le motif doit trouver son origine dans une cause qui n’est pas inhérente au salarié mais à la santé économique de l’entreprise qui l’emploie, qui peut tenir le plus souvent à des difficultés économiques mais aussi à des mutations technologique ou à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise selon l’article L.1233-3 du code du travail.
Cependant, le ou les motifs économiques invoqués à l’appui du licenciement peuvent trouver leur origine dans une décision de l’employeur qui se révèle malheureuse voire désastreuse pour l’avenir de l’entreprise.
Dans ce cas, peut-on reprocher à l’employeur une faute de nature à rendre le licenciement économique « sans cause réelle et sérieuse » selon l’expression consacrée par le code du travail.
On retrouve cette problématique en cas de cessation d’activité décidée par l’employeur.
La cour de cassation a tracé depuis de nombreuses années la ligne à ne pas franchir en la matière entre les erreurs de gestion et la faute commise par l’employeur, synonyme de licenciement fautif :
Selon la Cour de cassation, si le juge (du fond) doit vérifier la réalité du motif économique invoqué, il ne lui appartient de se prononcer sur la cause du motif économique (Soc., 1 mars 2000, pourvoi n° 98-40.340, Bull. 2000, V, n° 81) et en particulier de porter une appréciation sur les choix de gestion de l’employeur et leurs conséquences sur l’entreprise (Ass. plén. 8 décembre 2000, pourvoi n° 97-44.219, Bull. 2000, Ass. plén., n° 11 ; Soc., 27 juin 2001, n°99-45817 ; Soc 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-40.046, Bull. 2009, V, n° 173 ; Soc., 24 mai 2018, pourvois n°16-18.307).
Toutefois, La haute Cour a fixé la limite selon laquelle l’employeur ne peut se prévaloir d’une situation économique qui résulte d’une « attitude intentionnelle et frauduleuse » de sa part ou “d’une situation artificiellement créée résultant d’une attitude frauduleuse” (Soc., 9 octobre 1991, pourvoi n° 89-41.705, Bull. n°402 ; Soc., 13 janvier 1993, pourvoi n° 91-45.894, Bull. n°9 ; Soc., 12 janvier 1994, pourvoi n° 92-43.191). A ce stade, est caractérisée l’intention de l’employeur de créer le motif économique.
En 2015, la Cour de cassation a condamné la « légèreté blâmable » de l’employeur (Soc., 22 septembre 2015, pourvoi n°14-15.520). Ainsi, la cour ajoute à la faute caractérisée par l’intention frauduleuse, la « légèreté blâmable ».
Ces deux limites ont été appliquées à des cas de cessation d’activité partielle (Soc., 23 mars 2017, pourvoi n° 15-21.183, de cessation d’activité totale (16 janvier 2001, pourvoi n° 98-44.647) et même en cas de liquidation judiciaire (Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-26.140)
Dans un arrêt « Pages jaunes » du 4 novembre 2020 (Soc., 18-23.029 à 18-23.033), la Cour s’est prononcée une nouvelle fois sur ce sujet mais cette fois dans le cadre d’une réorganisation de l’entreprise fondée sur la nécessité de sauvegarder la compétitivité. Il s’agissait de juger le cas d’un manque de liquidité nécessaire à des investissements liés à la distribution de dividendes à la holding qui avait racheté la société Pages jaunes par recours à l’endettement (LBO).
La Cour de cassation a censuré la cour d’appel pour ne pas avoir suffisamment caractérisé une faute en se limitant à constater « des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires ».
Dans une notice explicative, la Cour de cassation rappelle que sous couvert du contrôle de la faute, elle reste vigilante à ce que les juges du fond n’exercent pas un contrôle sur les choix de gestion de l’employeur.
Source : soc. 4 novembre 2020, n°18-23.029 à 18-23.033
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