Un locataire peut-il assumer la responsabilité d’un maître d’ouvrage ?

Tout le monde sait ce qu’est un locataire.

Tout le monde ne sait pas ce que désigne un maître d’ouvrage.

Mais, à l’instar de M. Jourdain, tout le monde sait ce qu’est un maître d’ouvrage en réalité.

Schématiquement, c’est (généralement) le propriétaire d’un bien immobilier construit, ou en construction ; celui qui commande des travaux.

Il ne faut pas confondre avec le maître d’œuvre qui est celui qui conçoit la construction ou assure la direction du chantier : un architecte généralement.

Dès-lors, la question peut paraître incongrue.

Comment un locataire pourrait-il être traité comme un propriétaire dans une opération de construction ?

Et pourtant, la jurisprudence en apporte des illustrations et notamment un arrêt de 2017 (Cassation civile 3e, 23 mars 2017, n° 15-23683).

Un locataire d’un espace dans lequel il exerce son activité professionnelle, qui s’est comporté comme le commanditaire de travaux, peut être amené à payer l’entreprise qui les a réalisés, en lieu et place du propriétaire.

En principe, c’est le propriétaire du local, qui a la qualité de maître d’ouvrage.

Mais si un locataire approuve des devis, les signe, assiste aux réunions de chantier, donne des instructions, il s’immisce dans la gestion et peut être responsable.

Un sous-traitant, non payé par une entreprise principale, chargée de réaliser des travaux d’extension dans un local professionnel, qui a fait l’objet d’une procédure collective (faillite) s’est retourné contre le locataire, qui était solvable.

L’argument du locataire indiquant qu’il ne devait pas payer car il n’était pas propriétaire a été rejetée.

Le locataire s’est en effet comporté comme le maître d’ouvrage « apparent », en prenant en main la direction des travaux à la place du propriétaire.

Le locataire a également commis une faute en ne mettant pas en demeure la société (l’entrepreneur principal) de faire agréer le sous-traitant par le maître d’ouvrage réel (c’est-à-dire le propriétaire du local).

Faute d’agrément, cela prive ainsi le sous-traitant de la possibilité d’engager une action directe en paiement contre le maître d’ouvrage.

Le locataire, en qualité de maître d’ouvrage, a donc dû indemniser le sous-traitant.

Généralement, la notion d’immixtion est utilisée par les entreprises ou les maîtres d’œuvres, afin de minimiser leur responsabilité, lorsque leur client est intervenu trop activement…mais qu’il l’a oublié !

Si le client prend trop d’initiatives, il ne peut, logiquement, reprocher un résultat ne correspondant pas au contrat, à ses prestataires, les locateurs d’ouvrage.

En l’espèce, une personne qui ne devrait avoir aucune responsabilité, un locataire, en a, en raison de son comportement et devient débiteur à la place du propriétaire.

www.cabinet-olivierflejou.com