Attention au contenu des déclarations d'appel en matière civile !

Par un arrêt en date du 2 juillet 2020 (n°19-16954, disponible à la consultation sur le site de la Cour de Cassation : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/deuxieme_chambre_civile_570/629_2_45064.html), la Cour de Cassation a donné de premiers indices sur le contenu d'une déclaration d'appel.

Pour rappel, en vertu de l'article 901 du code de procédure civile, " La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 58, et à peine de nullité : (...) 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible."

On sait tout l'embarras suscité par le 4° précité, qui a été introduit par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017.

Toute la profession d'avocat s'est interrogé sur ce qu'il convenait d'entendre par "chefs du jugement expressément critiqués" : s'agissait-il des motifs ? du dispositif ? un mélange des deux ?

La genèse du 4° de l'article 901 du code de procédure civile montre que l'objectif poursuivi était de bien circonscrire le débat devant la cour. Mais, en pratique, les praticiens de la procédure d'appel étaient bien en peine de déterminer comment satisfaire à l'exigence posée par le texte. 

Cela a pu conduire à toutes sortes de rédactions de déclarations d'appel, des plus sommaires aux plus complètes. 

Dans son arrêt susmentionné, l'espèce jugée par la Cour de Cassation était la suivante : une société X a été condamnée à verser à la société Y une certaine somme d'argent, les parties étant déboutées de leurs demandes pour le surplus.

La société Y décide d'interjet appel de sa condamnation en indiquant que, dans sa déclaration d'appel, que son appel tend à la "réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs suivants : appel aux fins de voir : - prononcer le sursis à statuer - débouter la SA Siloge de toutes ses demandes - constater que les PV de réception ont été établis le 2 mars 2012 - prononcer la réception judiciaire du chantier au 2 mars 2012 - condamner la SA Siloge à transmettre les PV datés du 2 mars 2012, sous astreinte - constater que la SA Siloge reconnaît devoir 95 452,08 euros - écarter toute compensation - ordonner la consignation sous astreinte de 132 000 euros », l'appelant reprenant ainsi in extenso ses demandes présentées en première instance.

La Cour de Cassation estime que cela n'est pas conforme et que la cour d'appel a pu, à bon droit, « constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel, la cour n’étant saisie d’aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement entrepris ».

La solution paraît orthodoxe et conforme à la lettre du texte. Dans l'espèce jugée par la Cour de Cassation, l'appelant s'était borné à demander la réformation / infirmation du jugement (ce qui est l'objet même de toute procédure d'appel), puis avait repris des demandes de première instance. L'appelant n'avait donc pas dirigé son appel contre le dispositif du jugement.

Or, on sait que seul le dispositif des décisions rendues fait grief (les motifs en étant le support) (par ex., Cass. 2ème civ., 14 novembre 1968, publié au Bulletin ; Cass. Com, 8 avril 1976, n°74.14351, publié au Bulletin).

Une critique du dispositif du jugement aurait probablement permis d'éviter que l'appel ne soit jugé comme n'ayant eu aucun effet dévolutif. Mais, même cela n'est pas certain. Il conviendra de faire preuve de grande prudence dans les déclarations d'appel.

Face à la rigueur de la solution, la Cour de Cassation prévoit tout de même une session de rattrapage en jugeant que l'irrégularité entachant une déclaration d'appel ne précisant pas les chefs du jugement entrepris pouvait être régularisée par le dépôt d'une nouvelle déclaration, régulière cette fois, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond en application du 1er alinéa de l'article 910 du code de procédure civile.