Du nouveau sur la péremption des permis de construire

 

Dans un arrêt du 19 juin 2020 (n°434.671, mentionné aux tables du Lebon), le Conseil d'Etat est venu apporter une précision sur l'application de l'article R 424-19 du code de l'urbanisme.

Pour rappel, cet article prévoit que :

"En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable.

Il en va de même, en cas de recours contre une décision prévue par une législation connexe donnant lieu à une réalisation différée des travaux dans l'attente de son obtention."

Le délai de validité du permis de construire est fixé par l'article R 424-17 du code de l'urbanisme, qui prévoit en substance que le permis de construire est périmé passé un délai de trois ans suivant sa notification (ou la date à laquelle il est acquis en cas de permis tacite) (et qu'il en va de même, passé le délai de validité initial, en cas d'interruption des travaux supérieure à un an).

Avant l'introduction de l'article R 424-19 du code de l'urbanisme par le décret du 5 janvier 2007 portant réforme des autorisations d'urbanisme, les pétitionnaires s'exposaient à la péremption de leur permis de construire en cas d'introduction d'un recours devant le juge administratif ; en effet, devant le risque d'annulation, les pétitionnaires faisaient preuve de prudence et attendaient la décision du juge administratif avant de mettre en oeuvre leur autorisation...sauf que le temps de l'instance devant le juge administratif étant long, il s'avérait que le permis était périmé à la date à laquelle le juge statuait.

De fait, l'attente d'un jugement sur le recours formé contre le permis entrainait la péremption du permis.  

Devant cet effet dévastateur, l'article R 424-19 a remédié à la situation en assurant la sécurité des bénéficiaires d'autorisation d'urbanisme durant toute la durée de la procédure devant le juge (qu'il soit administratif ou judiciaire) : en cas de recours devant la juridiction administrative ou civile, la validité du permis est en effet suspendue pendant toute la durée de la procédure, jusqu'au prononcé d'une décision irrévocable.

Il avait été jugé, par le passé, que le recours formé, par le pétitionnaire, contre le refus de lui délivrer un permis de construire modificatif n'était pas de nature à suspendre le délai de validité du permis de construire initial (CE, 21 février 2018, n°402.109, mentionné aux tables du Lebon).

Dans son arrêt du 19 juin 2020, le Conseil d'Etat complète le tableau en jugeant :

- d'une part, que la délivrance d'un permis de construire modificatif ne fait pas courir un nouveau délai de validité du permis de construire initial, ce qui est très orthodoxe,

- d'autre part et surtout que le recours, formé par un tiers, contre le permis de construire modificatif, suspend le délai de validité du permis de construire initial, jusqu'au prononcé d'une décision irrévocable.

La solution dégagée par le Conseil d'Etat est particulièrement sécurisante pour les bénéficiaires d'autorisation, notamment lorsque, comme c'était le cas dans l'espèce jugée par le Conseil d'Etat, le permis de construire modificatif a été obtenu alors que le juge administratif s'était prononcé plusieurs mois sur la validité du permis initial par une décision irrévocable.