Dans un arrêt du 3 juillet 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000042115593&fastReqId=1097467360&fastPos=5&oldAction=rechJuriAdmin), le Conseil d'Etat a statué sur la requête formée par le Conseil national des barreaux, l'Ordre des avocats à la cour de Paris et la Conférence des bâtonniers de France et d'outre-mer, qui l'avaient saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre le décret n°2018-617 dit décret JADE.

Les parties requérantes y critiquaient particulièrement certaines des dispositions qui concernent le contentieux de l'urbanisme.

1/ La première disposition critiquée était celle qui instituait un mécanisme de désistement d'office pour le requérant dont la requête en référé suspension était rejetée pour défaut de moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée et qui n'avait pas confirmé maintenir sa requête au fond dans le délai d'un mois suivant la notification de l'ordonnance du juge des référés (article R 615-5-2 du code de justice administrative : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000037214566&cidTexte=LEGITEXT000006070933&dateTexte=20180719).

Le Conseil d'Etat juge que ce dispositif ne méconnaît pas le droit au recours et le droit à procès équitable dans la mesure où il s'agit d'une disposition prise dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et qu'il existe des garde-fous : la notification de l'ordonnance de référé par le greffe indique en effet, en principe, cette obligation de confirmer la recours au fond et la sanction qui y est attachée. Les plaideurs ne peuvent donc pas être pris en défaut.

 

2/ La deuxième disposition critiquée était celle qui instituait un délai d'action de six mois, courant à compter de l'achèvement des travaux, et à l'issue duquel aucun recours en annulation n'était recevable contre un permis de construire (article R 600-3 du code de l'urbanisme : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000037215382&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20180719).

Le Conseil d'Etat juge cette disposition légale à l'aune du principe de sécurité juridique, "qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps".

 

3/ La troisième disposition critiquée concerne la disposition instituant l'article R 600-4 qui impose, à peine d'irrecevabilité, que les recours contre les décisions relatives à l'utilisation ou l'occupation des sols soient accompagnés du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l'occupation ou de la détention de son bien par le requérant (article R 600-4 du code de l'urbanisme : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5F2F09AB0CF636E9EF481D3C2650D2C5.tplgfr42s_1?idArticle=LEGIARTI000037215380&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20180719&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=)

Le Conseil d'Etat estime qu'une telle irrecevabilité ne peut pas être retenue sans que le requérant ait été préalablement invité à régulariser sa requête.

Autrement dit, la requête ne peut pas être rejetée pour absence de production du titre de propriété (ou autre) d'office, mais le tribunal ou la cour doit, au préalable, demander au requérant de régulariser sa requête. Ce n'est que si le requérant néglige de répondre à cette demande de régularisation, que le recours pourra être jugé irrecevable.

 

4/ La quatrième disposition contestée portait sur l'article R 600-5 du code de l'urbanisme (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=5F2F09AB0CF636E9EF481D3C2650D2C5.tplgfr42s_1?idArticle=LEGIARTI000037214906&cidTexte=LEGITEXT000006074075&dateTexte=20180719&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=) qui instaure un mécanisme automatique de cristallisation des moyens en matière d'urbanisme ; cette cristillisation du débat contentieux a lieu passé un délai de deux mois suivant la communication aux parties du premier mémoire en défense.

Le Conseil d'Etat juge que ces dispositions ne méconnaissent pas les droits de la défense, car elles sont prises dans l'objectif de bonne administration de la justice et de respect du droit à un délai raisonnable de jugement des recours en matière d'urbanisme et que, par ailleurs, il est loisible au juge de reporter ce délai et de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens, lorsque l'affaire le justifie.

 

5/ La dernière disposition critiquée portait sur les dispositions introduisant l'article R 600-6 du code de l'urbanisme (Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d'aménager un lotissement.), fixant à 10 mois, le délai de jugement des recours contre les permis de construire des bâtiments de plus de 2 logements.

Sans surprise, le Conseil d'Etat indique que ce délai n'est pas prescrit à peine de dessaisissement.

Le Conseil d'Etat ajoute que cette disposition ne méconnaît pas le droit à un recours juridictionnel effectif, ni le principe d'égalité entre les justiciables, eu égard à l'objectif assigné à cette disposition, "de bonne administration de la justice et de respect du droit à un délai raisonnable de jugement des recours en matière d'urbanisme afin notamment de réduire les délais de construction des logements".