L’article 1226 du code civil impose, préalablement à toute résolution unilatérale du contrat et sauf urgence, de mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

Mais celui-ci est-il applicable au salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail ?

C’est la demande qui a été faite en décembre dernier par le conseil de prud’hommes de Nantes.

La chambre sociale de la cour de cassation vient d’y apporter une réponse le 3 avril dernier aux conséquences juridiques attachées à la prise d’acte prononcée sans que cette exigence ait été respectée.

Rappel :

  • L’article 1224 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que la résolution du contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
  • L’article 1225 du même code précise les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire.
  • Aux termes de l’article 1226 du code civil, le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution.

Les modes de rupture du contrat de travail sont régis par des règles particulières

Selon les hauts magistrats, les modes de rupture du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières, et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables.

Le salarié n’est donc pas tenu, avant de prendre acte de la rupture de son contrat, de demander à son employeur de faire cesser les manquements qu’il lui reproche.

Rappelons que, en l’absence de dispositions du Code du travail, les règles applicables à la prise d’acte sont pour l’essentiel fixées par la jurisprudence.

Jusqu’ici, par prudence, l’avocat conseillait au salarié de faire précéder sa prise d’acte d’une mise en demeure, au risque de dévoiler prématurément ses intentions. Désormais, il sera possible, lorsque cela sera opportun, de conseiller au salarié de prendre immédiatement acte de la rupture de son contrat de travail.

Il est parfois préférable de choisir cette voie lorsque le salarié ne souhaite plus travailler pour l’employeur et que les manquements qu’il reproche à son employeur sont susceptibles d’être régularisés (par exemple : rappel d’heures supplémentaires). En effet, si l’employeur régularise les manquements que le salarié lui reproche, selon le cas, la prise d’acte intervenue postérieurement à la régularisation de ces manquements produira les effets d’une démission. Une prise d’acte immédiate empêche donc l’employeur de régulariser les manquements et permet de « sécuriser » davantage les effets de la prise d’acte.

En conclusion, cette précision de la Cour de cassation permet désormais au Conseil d’un salarié d’établir, lorsqu’il le juge utile, une stratégie « coup de poing » pour prendre les devants et assurer avec davantage de sécurité le succès de la procédure prud’homale qui suivra.

Avis n° 15003 du 3 avril 2019 – Chambre sociale

PB Avocats