Le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident ou la maladie (article L. 1226-7 du Code du travail)

L’employeur ne peut rompre disciplinairement le contrat de travail que s’il justifie d’une faute grave du salarié (ou a fortiori d’une faute lourde).

Dans une affaire récente, la Cour de cassation est venue rappeler les précisions que l’employeur doit nécessairement faire figurer dans la lettre de licenciement pour pouvoir se prévaloir de la faute grave.

Rappel des faits

Un ouvrier carreleur a été placé en arrêt de travail consécutivement à un accident du travail survenu le 21 mai 2014.  Ayant été licencié, le 3 septembre 2014, pour absence injustifiée, il a saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement.

Un salarié en accident du travail peut être licencié pour faute grave…

La cour d’appel rejette ses demandes. Selon les juges, la lettre de licenciement mentionnait “Malgré nos précédents courriers vous êtes une nouvelle fois en absence injustifiée ce jour car votre dernier arrêt de travail s’arrêtait au 5 août 2014. Votre attitude est négligente et préjudiciable car cela fait plusieurs fois que vous ne vous présentez pas au travail sans motif et sans justificatif. Ceci est inadmissible et porte atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise. Etant obligé de vous remplacer, nous vous signifions votre licenciement à réception de cette lettre“.

La cour d’appel a estimé que la désinvolture du salarié, parfaitement avisé par la clause contractuelle de l’importance qu’attachait son employeur à l’information et à la transmission des justificatifs d’absence s’analysait comme un acte d’insubordination à travers la réitération volontaire d’un comportement sur lequel son attention avait été attirée à de nombreuses reprises et qu’il savait préjudiciable à l’entreprise.

C’était donc à juste titre d’après la cour d’appel que l’employeur soutenait l’existence d’une faute grave qui légitimait le licenciement prononcé pendant la période de suspension du contrat.

…sauf en cas de défaut de précision du motif

La haute juridiction n’est pas de cet avis car il résultait de l’énonciation par la cour d’appel des termes de la lettre de licenciement que l’employeur ne reprochait pas au salarié la commission d’une « faute grave », ces termes n’étant pas évoqués au sein de la lettre. En conséquence, et en application de la règle selon laquelle « la lettre de licenciement fixe les limites du litige », l’employeur est infondé à revendiquer l’existence d’une faute grave, seule faute avec la faute lourde qui lui permette de mettre fin de façon disciplinaire au contrat de travail d’un salarié suspendu pour accident du travail.

Le licenciement est donc nul, et l’employeur sera condamné à verser les indemnités suivantes au salarié :

  • les indemnités de rupture (préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, etc.) ;
  • et une indemnité qui ne peut pas être inférieure au salaire des 6 derniers mois (art. L. 1226-13 et L. 1235-3-1 C. trav. applicables au litige).

Cet arrêt rappelle une fois encore que la gravité de la faute (sérieuse, grave ou lourde) retenue par l’employeur doit nécessairement apparaître dans le texte de la lettre de licenciement. À défaut de précision, le licenciement disciplinaire est présumé avoir été prononcé pour une faute « sérieuse » non privative du préavis et des indemnités de départ

Cass. soc., 20 novembre 2019, n°18-16715