Le dépôt des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce est une obligation légale pour la plupart des sociétés exerçant une activité commerciale. Cependant, le président et unique associé d’une société par actions simplifiée a refusé dernièrement de procéder au dépôt des comptes annuels de sa société.

Celui-ci a estimé en tant qu’associé unique d’une société commerciale propriétaire d’un unique bien, que les informations d’ordre patrimonial le concernant divulguées aux tiers sans y avoir consenti, étaient de nature à causer une atteinte disproportionnée au droit à la protection de ses données à caractère personnel.

Pour rappel, les données portant sur le patrimoine d’une personne physique relèvent de sa vie privée.

Cette obligation porte-elle atteinte à la protection des données personnelles ?

La chambre commerciale de la cour de Cassation est venue apporter une réponse claire.

Dans cet arrêt, les faits étaient les suivants. Un juge chargé de la surveillance du registre du commerce et des sociétés d’un tribunal de commerce a, sur le fondement de l’article L. 611-2, II, du code de commerce, enjoint au président et unique associé d’une société par actions simplifiée de procéder au dépôt des comptes annuels de cette société pour les exercices 2015, 2016 et 2017 dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’encontre du président et de la société, tenus solidairement.

Celui-ci n’ayant pas déféré à cette injonction, le même juge l’a, par une seconde ordonnance, condamné in solidum avec la société à payer au Trésor public la somme de 3 000 euros en liquidation de l’astreinte.

Insatisfait, le président se pourvoit en cassation. Selon ce dernier, toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant et la divulgation de la situation patrimoniale d’une personne physique constitue une donnée à caractère personnel protégée.

Une atteinte proportionnée au but légitime de détection et de prévention des difficultés des entreprises

La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Selon les juges, si les données portant sur le patrimoine d’une personne physique relèvent de sa vie privée, les comptes annuels d’une société par actions simplifiée unipersonnelle ne constituent, toutefois, qu’un des éléments nécessaires à la détermination de la valeur des actions que possède son associé unique, dont le patrimoine, distinct de celui de la société, n’est qu’indirectement et partiellement révélé.

L’atteinte portée au droit à la protection des données à caractère personnel de cet associé pour la publication de ces comptes est donc proportionnée au but légitime de détection et de prévention des difficultés des entreprises, poursuivi par les dispositions de l’article L. 611-2, II, du code de commerce.

Cass.com. 24 juin 2020, n°19-14.098