Une salariée, employée administrative, a réclamé à son employeur le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 115 jours de congés non pris. Elle indiquait n’avoir pris que très rarement des congés depuis son embauche en février 2009, et en voulait notamment pour preuve la mention de 155 jours de congés sur son bulletin de paye de mai 2014. L’employeur refuse, indiquant que cette mention était erronée et qu’il n’avait pas consenti au report, depuis plusieurs années, des congés payés de la salariée.
La Cour de cassation a récemment tranché ce litige.
Rappel des faits et de la procédure
Engagée en qualité d’employée administrative suivant un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 2 février 2009, la salariée a été placée en arrêt de travail à compter du 23 décembre 2013. Le 31 décembre 2013, elle a saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de son employeur et paiement de diverses sommes salariales et indemnitaires dont une indemnité compensatrice correspondant à 115 jours de congés payés. Ces derniers représentant la somme de 12 314,89 euros. La salariée invoquait :
- la présence d’écritures comptables laissant apparaître l’existence de dettes de congés payés au titre des exercices 2011 et 2012.
- son bulletin de salaire du mois de mai 2014, qui faisait apparaître à son crédit 115 jours de congés payés. Selon la salariée, cette mention sur le bulletin de paye valait accord de son employeur sur le report des congés payés acquis sur des périodes antérieures à la période de référence en cours.
Or la cour d’appel n’a condamné l’employeur à payer à la salariée que la somme de 2 462,98 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés. Les juges ont considéré que les droits de la salariée à congés payés, au 31 mai 2015, s’élevaient uniquement à 23 jours, correspondant aux jours de congés payés acquis en 2013, dont il pouvait être retenu qu’elle avait été dans l’impossibilité de les poser, du fait de son congé maladie. Le reste des jours réclamés par la salariée correspondait à des périodes de référence antérieures et, faute pour la salariée de les avoir pris et en l’absence d’obligation pour l’employeur de reporter les congés non pris sur les périodes postérieures, elle ne pouvait plus en réclamer le paiement. Partiellement déboutée de sa demande au titre des congés payés, la salariée se pourvoit en cassation.
Réponse de la Cour de cassation
La Chambre sociale de la Cour de cassation ne rejoint pas la position de la Cour d’appel. Elle rappelle en effet que, en matière de congés payés, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
C’est donc à l’employeur de prouver que les congés payés ont bien été pris.
Ainsi, la Cour d’appel ne pouvait pas limiter à 23 jours le montant de l’indemnité compensatrice de congés payés due à la salariée, alors même :
- qu’elle avait elle-même constaté la mention d’un solde de congés payés de 115 jours sur le bulletin de salaire du mois de mai 2014 (ce qui, d’après la Cour de cassation, pouvait valoir accord de l’employeur sur le report des congés payés acquis sur des périodes antérieures à la période de référence en cours), ainsi que la présence d’écritures comptables laissant apparaître l’existence de dettes de congés payés au titre des exercices précédents,
- et que l’employeur ne démontrait pas que la salariée avait pris ses congés, ni que la mention d’un solde de 115 jours de congés payés acquis procédait d’une erreur.
L’arrêt de la Cour d’appel est cassé.
Cette décision de la Cour de cassation s’inscrit dans la droite ligne de sa jurisprudence antérieure : elle avait déjà jugé que la mention du solde de congés payés sur le bulletin de paye peut valoir reconnaissance qu’ils restent dus, et acceptation de leur report au-delà de la date de prise des congés de la période (Cass. soc. 26 mars 2014 n° 12-23.634) Attention, donc, aux mentions figurant sur le bulletin de paye ! Car si l’employeur ne peut pas démontrer le caractère erroné d’une mention relative aux congés payés sur un bulletin d’un solde, il pourra être condamné à indemniser le salarié à hauteur de cette mention. Cass, soc., 9 décembre 2020, 19-12.739
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