Un salarié, qui occupait un poste de formateur, a entretenu pendant plusieurs mois une relation amoureuse avec une de ses collègues de travail. Suite à leur rupture, il a installé une balise GPS sur le véhicule de cette dernière afin de la surveiller à son insu.

Il lui avait également adressé de nombreux messages intimes, en dépit du fait qu’elle lui avait expressément indiqué ne plus souhaiter avoir de contact avec lui en dehors de l’activité de l’entreprise. Les messages en question ont notamment été communiqués par l’intermédiaire de la messagerie professionnelle.

Considérant que les faits constituaient un harcèlement, et qu’ils se rattachaient à la vie de l’entreprise (car intervenus dans un cadre professionnel), l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire et a prononcé un licenciement pour faute grave. Le salarié estimait, au contraire, que les faits relevaient de sa vie privée et, à ce titre, ne pouvaient pas justifier un licenciement disciplinaire : il a donc contesté la légitimité de cette rupture devant la juridiction prud’homale.

La cour d’appel a donné raison au salarié. Elle a estimé que les faits, exclusivement liés aux relations privées des deux salariés, n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement ni d’une faute de nature disciplinaire. Elle a ainsi jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’employeur, condamné à verser au salarié plus de 30.000,- euros nets d’indemnités de rupture, près de 4.500,- euros bruts de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 60.000,- euros nets de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’est pourvu en cassation.

Absence de trouble et de harcèlement moral

La Haute Juridiction approuve le raisonnement de la cour d’appel et rappelle que :

  • Les salariés avaient entretenu pendant des mois une relation amoureuse faite de ruptures et de sollicitations réciproques ;
  • Un courriel de la salariée établissait que chacun d’eux avait suggéré de rompre, excluant une demande non équivoque résultant de la seule initiative de l’intéressée ;
  • Aucun harcèlement moral entre les deux salariés n’était caractérisé ;
  • La balise GPS avait été posée sur le véhicule personnel de la salariée ;
  • L’envoi de courriels à la salariée au moyen de l’outil professionnel était limité à deux messages ;
  • Les faits n’avaient eu aucun retentissement au sein de l’agence ou sur la carrière de l’intéressée.

La Cour de cassation confirme donc la décision de la cour d’appel qui avait estimé que ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, de sorte que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse.

Le pourvoi de l’employeur est rejeté.

La frontière entre vie personnelle et vie professionnelle des salariés est parfois ténue. En règle générale, lorsque les faits n’ont aucune incidence négative sur la carrière des salariés ou sur la bonne marche de l’entreprise, ils échappent au pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Ce dernier doit faire preuve de discernement et ne pas se substituer aux autorités répressives compétentes s’il constate que des faits potentiellement graves affectent la vie privée de ses salariés. Il doit en revanche alerter la Médecine du travail ou les autorités compétentes si les circonstances l’exigent.

Cass. Soc., 16 décembre 2020, n°19-14.665