Un salarié d’un cabinet d’architecture a été licencié pour avoir, au cours d’une réunion tripartite entre lui et les deux cogérants de la société, critiqué l’organisation du cabinet.

Le salarié saisit la juridiction prud’homale afin notamment de contester le bienfondé de son licenciement.

Rappel des faits et de la procédure

En l’espèce, le salarié avait critiqué l’organisation de l’agence d’architecture dans un compte-rendu, adressé au seul employeur, de la réunion tripartite tenue en date du 29 juin 2014 avec les deux co-gérants, lesquels avaient spécialement sollicité la tenue de réunions avec le personnel pour remédier aux difficultés rencontrées au sein de l’agence.

L’employeur estimait que le salarié, en se bornant à critiquer longuement et fortement par écrit des éléments qui relevaient pourtant du pouvoir exclusif et discrétionnaire de l’employeur quant à l’organisation et au fonctionnement de l’entreprise, évoquant même l’éventualité pour lui de quitter l’entreprise si ses remarques n’étaient pas prises en compte, avait commis un acte d’insubordination qui rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La Cour d’appel a donné raison à l’employeur. Elle a ainsi débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que, en critiquant l’agence d’architecture, le salarié avait commis une insubordination qui justifiait son licenciement.

Le salarié s’est pourvu en cassation, rappelant que, « sauf abus, un salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ».

Ne commet pas un abus dans l’exercice de sa liberté d’expression, le salarié qui se borne à critiquer l’organisation de l’entreprise dans un compte-rendu écrit interne ne contenant aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif

La Cour de cassation constate que le compte-rendu de la réunion tenue avec les deux co-gérants n’a été adressé qu’à l’employeur, ce dont il résultait implicitement que le salarié n’avait pas critiqué publiquement l’entreprise. En outre, la Cour de cassation observe que ce compte-rendu ne contenait aucun propos injurieux, diffamatoire ou excessif.

Elle fait donc une stricte application de sa jurisprudence et censure l’arrêt d’appel pour avoir débouté le salarié de ses demandes alors qu’il n’avait commis aucun abus dans l’exercice de sa liberté d’expression.

Cass, soc. 10 mars 2021, n° 19-22.039