Le 6 août 2019, la loi de transformation de la fonction publique ouvrait le champ des possibles pour les agents publics : son article 72 prévoyant l’expérimentation à titre temporaire du mécanisme de rupture conventionnelle dans la fonction publique. Ce dispositif est applicable aux fonctionnaires relevant des trois versants de la fonction publique, aux agents contractuels recrutés par contrat à durée indéterminé, aux ouvriers de l’État et aux praticiens contractuels des établissements de santé.
Restait que le mécanisme ne pouvait être mis en œuvre sans la publication de décrets d’application dont l’objet était d’organiser les modalités pratiques de la rupture conventionnelle applicables au Secteur Public.
Après une attente anxieuse, les agents publics peuvent être rassurés : c’est finalement le 31 décembre 2019 que les décrets idoines ont été signés :
Concernant la procédure : Décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique.
Concernant l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle : Décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 relatif à l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositifs indemnitaires d'accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles
Les décrets ont été publiés au Journal officiel n°0001 du 1er janvier 2020. La rupture conventionnelle est applicable dès à présent.
Rappelons que selon l’article 26 du projet de loi finalement adopté le 6 août 2019, la rupture conventionnelle est un mode amiable de cessation définitive des fonctions des agents publics. Son objectif principal est de « renforcer les garanties des agents publics » et les « leviers » des employeurs publics.
I-Le champ d’application de la rupture conventionnelle
a.Un dispositif amiable supposant un accord entre l’agent et l’administration (la « rupture ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties »).
b.Un dispositif expérimental long (5 années d’expérimentation, du 1er janvier 2020 jusqu’au 31 décembre 2025).
c.Un dispositif applicable aux fonctionnaires des trois Fonction publique, aux agents contractuels en CDI et aux ouvriers de l’Etat et aux praticiens contractuels des établissements de santé.
d.Sont exclus expressément de l’application de la rupture conventionnelle : les fonctionnaires stagiaires, les agents en situation de détachement et les fonctionnaires ayant atteint l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite.
e.Précisons également que les agents ayant signé un engagement à servir l'Etat à l'issue d'une période de formation doivent avoir accompli la totalité de la durée de service prévue par cet engagement pour bénéficier de la rupture conventionnelle.
II-La rupture conventionnelle dans la fonction publique en pratique ?
a.Mise en route du processus (article 2 du décret 2019-1593) :
L’agent informe l’administration service des ressources humaines ou à l'autorité investie du pouvoir de nomination) par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise en main propre contre signature.
Se tient un entretien relatif à cette demande à une date fixée au moins dix jours francs et au plus un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle. L’entretien est conduit par l'autorité hiérarchique ou l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination dont relève le fonctionnaire ou son représentant.
Il peut être organisé, le cas échéant, d'autres entretiens.
- Le fonctionnaire peut être assisté durant toute la procédure par un conseiller syndical. Le cas échéant il en informe au préalable son administration (article 3 du décret 2019-1593). Il peut aussi s’il le souhaite être assisté par un avocat mais cela n’est pas un droit spécifique au régime de la rupture conventionnelle, c’est un droit général.
b.Signature d’une convention entre l’administration et l’agent selon un modèle défini par arrêté du ministre chargé de la fonction publique (titulaire ou contractuel) prévoyant les conditions de la rupture et l’indemnité afférente (article 5 du décret 2019-1593).
c.Il existe un droit de rétractation au bénéfice des 2 parties durant 15 jours.
d.Le montant de l’Indemnité Spécifique de Rupture Conventionnelle (ISRC)
- Montant minimum de l’indemnité :
-un quart de mois de rémunération brute par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ; - deux cinquièmes de mois de rémunération brute par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans et jusqu'à quinze ans ; - un demi-mois de rémunération brute par année d'ancienneté à partir de quinze ans et jusqu'à vingt ans ; - trois cinquièmes de mois de rémunération brute par année d'ancienneté à partir de vingt ans et jusqu'à vingt-quatre ans.
un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l'agent par année d'ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans d'ancienneté.
la rémunération brute annuelle perçue par l'agent au cours de l'année civile précédant celle de la date d'effet de la rupture conventionnelle. Sont exclues de cette rémunération de référence : 1° Les primes et indemnités qui ont le caractère de remboursement de frais ; 2° Les majorations et indexations relatives à une affection outre-mer ; 3° L'indemnité de résidence à l'étranger ; 4° Les primes et indemnités liées au changement de résidence, à la primo-affectation, à la mobilité géographique et aux restructurations ; 5° Les indemnités d'enseignement ou de jury ainsi que les autres indemnités non directement liées à l'emploi.
Pour les agents bénéficiant d'un logement pour nécessité absolue de service, le montant des primes et indemnités pris en compte pour la détermination de la rémunération mentionnée aux articles 2 et 3 est celui qu'ils auraient perçu, s'ils n'avaient pas bénéficié d'un logement pour nécessité absolue de service.
- Ancienneté prise en compte dans le calcul de l’indemnité :
durées de services effectifs accomplis dans la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière.
III-Les effets de la rupture conventionnelle à l’égard des agents publics
a.En échange du versement de l’indemnité de rupture conventionnelle décidée par les parties, la rupture conventionnelle entraîne la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire.
b.Les agents bénéficient du régime d’auto-assurance chômage des agents publics.
c.Attention, si le fonctionnaire est à nouveau recruté au sein de la même fonction publique dans les 6 ans qui suivent la rupture conventionnelle, une obligation de remboursement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle peut lui incomber.
- Dans la fonction publique d’Etat :
Il doit rembourser à l’État l'indemnité de rupture. Le remboursement devant alors intervenir au plus tard dans les 2 ans qui suivent le recrutement.
- Dans la fonction publique territoriale :
L’obligation de remboursement trouvera à s’appliquer si le fonctionnaire est à nouveau recruté dans les 6 ans qui suivent la rupture par :
- son ancienne collectivité (remboursement à cette collectivité);
- un établissement public relevant de son ancienne collectivité ou un établissement public auquel elle appartient (remboursement à cet établissement) ;
-l'établissement public avec lequel il a convenu d'une rupture conventionnelle ou une collectivité territoriale qui en est membre (remboursement à cet établissement).
- Dans la fonction publique hospitalière :
L’obligation de remboursement trouvera à s’appliquer si le fonctionnaire est à nouveau recruté dans les 6 ans qui suivent la rupture par son ancien établissement. Le remboursement devra être fait auprès de cet établissement.
La création d’une possibilité pour les agents publics (fonctionnaires et contractuels) de mettre un terme à leur engagement dans le cadre d’une rupture conventionnelle est un apport considérable. Outre le fait qu’elle est le corollaire d’un mouvement de modernisation de la fonction publique, elle devrait permettre – en pratique- de solutionner de nombreuses situations crispées desquelles, agents et administration, ne savent parfois comment se sortir dignement (souvent au détriment le plus total de l’agent il faut bien l’admettre).
Toutefois, et comme toujours, il nous faudra attendre encore avant de pouvoir mesure l’intérêts réel de l’avancée. On peut s’interroger sur l’intérêt que vont trouver les administrations à mettre en œuvre un mécanisme qui leur coûtera évidemment bien plus cher que la démission de leur agent. Quelle marge par exemple pour les petites collectivités dont les budgets sont très limités ?
Enfin, comment ne pas inviter tous ceux qui souhaitent d’ores et déjà entrer en pourparlers avec leur administration pour signer une convention de rupture conventionnelle à bien peser leur choix avant de la saisir par la lettre recommandée avec accusé de réception idoine ? En effet, selon la situation et les désiderata de chacun, la rupture conventionnelle ne sera pas toujours la stratégie la plus adaptée. Attention donc à bien le vérifier avant d’informer officiellement votre employeur de votre souhait de le quitter au plus vite…
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