Un an après la loi ESSOC (loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour une Etat au service d’une société de confiance) qui a rendu légal le fameux « droit à l’erreur », une ordonnance vient encadrer le « droit de rectification ».
Le contentieux des aides sociales révèle la grande difficulté de nombreux allocataires de déclarer correctement leur situation à la CAF. Il est en effet encore beaucoup trop fréquent que des personnes qui reçoivent des aides sociales, le RSA en première position, se voient réclamer leur remboursement, parfois sur 5 ans en arrière, au motif qu’elles ont mal informé la CAF à propos leurs ressources ou de leur situation familiale, et ce alors qu’elles sont de bonne foi. C’est par exemple le cas du bénéficiaire du RSA qui ne sait pas que l’aide d’un proche pour payer son loyer est à déclarer en tant que ressource. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...
En août 2018, la loi ESSOC est venu ériger en principe le Droit à l’erreur au bénéfice des allocataires de prestations sociales. Elle a modifié le code des relations entre le public et l'administration en créant l’article L. 123-1 dont les termes sont les suivants :
« Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué.
La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. »
Malgré le battage médiatique concernant le droit à l’erreur qui avait fait naitre de grands espoirs chez les allocataires poursuivis par la CAF pour le remboursement des aides, une rapide lecture de la loi nous avait déjà permis de constater que le législateur avait assis une -vaste- hypothèse permettant à la CAF de ne pas appliquer le Droit à l’erreur : celle où le bénéficiaire poursuivi est de mauvaise foi.
Et l’article L. 123-2 du même code de préciser : « Est de mauvaise foi, au sens du présent titre, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation.
En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à l'administration. ».
Nous n’avons pas encore assez de recul pour connaitre l’application que feront les juges de ce renversement de la charge de la preuve de la mauvaise foi.
Outre l’insertion du Droit à l’erreur, la loi ESSOC est venu ouvrir une autre possibilité aux bénéficiaires d’allocations sociales à qui la CAF demande le remboursement d’un indu de prestations: le Droit de rectification.
C’est l’article 37 de la loi qui en a posé le cadre :
« le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi et visant à :
1° Permettre aux bénéficiaires des prestations sociales et des minima sociaux d'exercer, à l'occasion de la notification des indus qui leur est faite et préalablement à l'engagement d'un recouvrement ou d'un recours gracieux, un droit de rectification des informations les concernant lorsque ces informations ont une incidence sur le montant de ces indus ;
2° Harmoniser et modifier les règles relatives au contenu des notifications d'indus afin d'y inclure la possibilité d'exercer le droit à rectification mentionné au 1° et d'en faciliter la compréhension par les bénéficiaires.
Ces mesures ne peuvent faire obstacle à ce que, après l'exercice du droit de rectification, les sommes indues soient ensuite recouvrées dans les délais et selon les procédures prévus par les dispositions en vigueur. »
C’est donc en application de l’article 37 que parait, à quelques jours de l’échéance prévue par la loi, une ordonnance (ordonnance n° 2019-765 du 24 juillet 2019 relative au droit de rectification des informations concernant les bénéficiaires des prestations sociales et des minima sociaux en cas de notification d'indus) concernant le Droit de rectification.
L’ordonnance facilite le recouvrement des indus et, en cas d'exercice du Droit de rectification, incite les caisses à apporter une réponse explicite dans des délais rapides à l'allocataire ou à l'assuré.
Désormais :
- L’indu peut être mis en recouvrement dès l'expiration du délai de demande de rectification (délai de vingt jours) lorsque l'assuré n'a pas, à cette date, déposé une telle demande de rectification - ce qui, bien entendu, ne le prive pas de la possibilité de saisir la commission de recours amiable (ou le Président du Conseil Départemental en cas d’indu RSA).
- Si l’assuré a déposé une demande de rectification dans le délai imparti (vingt jours), deux hypothèses sont alors envisagées :
-la CAF (ou toute autre caisse de sécurité sociale) n'a pas statué dans le délai d'un mois suivant la demande du débiteur, cette absence de réponse vaut décision implicite de rejet. L'indu ne peut alors être mis en recouvrement avant un délai de deux mois suivant la décision implicite de rejet ;
- la CAF (ou toute autre caisse de sécurité sociale) statue sur la demande de rectification avant l'expiration du délai d'un mois valant décision implicite de rejet, l'indu subsistant peut être mis en recouvrement sans plus attendre.
D’après le rapport au Président de la République présentant cette ordonnance, « La conjugaison de ces différentes mesures garantit l'esprit de la loi du 10 août 2018 en permettant à la fois aux caisses de récupérer plus rapidement les prestations indument versées et aux assurés de se libérer également plus rapidement de leur dette, sans pour autant priver ces derniers de la possibilité d'exercer un recours amiable. ».
Ce n’est pas faux. Mais, l’existence de délais distincts et d’hypothèses d’analyse qu’il convient de croiser pour en faire une bonne compréhension, il est surtout à craindre que l’exercice effectif du droit de rectification soit en pratique bien peu effectif.
Il sera précisé que l’ordonnance prévoir une entrée en vigueur de ces dispositions entre le 1er janvier et le 1er juillet 2020.
Dans tous les cas, et malgré les évolutions législatives censées les protéger contre l’information souvent trop partielle délivrée par la CAF, les allocataires recevant une décision leur réclamant le remboursement d’indu RSA, APL ou autres allocations familiales, devront être encore plus rigoureux qu’avant pour protéger leurs moyens de défense. Qu’il s’agisse de l’obligation qui incombe à la CAF de motiver ses décisions, du Droit à l’erreur ou du Droit de rectification du montant de la dette, les allocataires ont intérêt à être réactif et à formuler les demandes utiles dans les divers délais -courts- imposés par la loi.
Sans quoi, ils ne pourront plus se prévaloir de ces garanties devant le juge (Tribunal administratif ou Pôle social du Tribunal de Grande Instance) dans le cadre de recours contentieux.
Première publication: 29 juillet 2019
Pas de contribution, soyez le premier