Entre opacité législative et évolution constante du droit, quelles sont les hypothèses dans lesquelles les agents publics (fonctionnaires, agents contractuels, vacataires,…) sont tenus d’avoir recours aux services d’un avocat pour se défendre face à l’administration devant le juge administratif ?
En France, l’obligation de désigner un avocat pour se défendre en justice varie d’une juridiction à l’autre et d’une procédure à l’autre. A cela s’ajoute des règles quant à l’Ordre auquel est inscrit l’avocat ainsi qu’à son Barreau d’appartenance.
La situation est loin d’être claire.
Le contentieux administratif ne fait pas exception à la règle. En effet, dans l’Ordre administratif (Tribunal administratif, Cour administrative d’appel, Conseil d’Etat), les requérants ne sont pas toujours contraints d’être représentés par un avocat. Les règles sur ce point sont disséminées dans le code de justice administrative (CJA) de sorte qu’il est tout sauf simple de savoir à quoi s’en tenir. En outre, la règlementation en la matière est en constante évolution.
Cette question est pourtant d’importance puisqu’un recours présenté sans avocat alors que c’est une obligation est irrecevable. En d’autres mots, le juge ne l’examinera même pas.
Dans ce contexte, en quelles hypothèses les agents publics doivent il désigner un avocat pour se défendre en justice ? Nous vous proposons un récapitulatif des règles en vigueur.
1.Au préalable, nous précisons que les règles rappelées ci-après concernent :
- tous les agents travaillant dans le secteur public (administrations d’Etat, Collectivités Territoriales, Armée, Hôpitaux, Etablissements publics, …) et qui relèvent du droit de la fonction publique ou d’un statut assimilé. Il s’agit donc des fonctionnaires, agents non titulaires, agents contractuels, vacataires, praticiens hospitaliers, magistrats, militaires, ouvriers d’Etat, … ;
- uniquement les contentieux « professionnels » des agents publics c’est-à-dire lorsqu’ils sont opposés à leur administration en tant qu’employeur devant une juridiction de l’ordre administratif (tribunal administratif, cour administrative d’appel, Conseil d’Etat) pour un litige qui concerne leur emploi.
2.Les règles de représentation par un avocat applicables aux agents publics sont les suivantes.
-En première instance :
Devant le tribunal administratif : dans la plupart des hypothèses, l’agent public doit porter son recours devant le tribunal administratif.
Le recours à un avocat est alors facultatif, même si la demande est indemnitaire. En effet, l’article R 431-3 du code de justice administrative rend inapplicable aux agents publics la règle selon laquelle toutes les demandes indemnitaires devant un tribunal administratif doivent être portées par un avocat.
Devant le Conseil d’Etat : quelques fonctionnaires doivent porter leur contentieux professionnel directement devant le Conseil d’Etat.
On dit alors que le Conseil d’Etat est compétent en premier ressort. En pareil hypothèse, le ministère d’avocat (le fait d’être représenté par un avocat) est obligatoire sauf lorsque le requérant forme un recours pour excès de pouvoir (s’il formule uniquement une demande d’annulation d’un acte administratif le concernant). Il sera précisé qu’il ne peut s’agir que d’un avocat inscrit à l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.
-En appel :
Devant la Cour administrative d’appel, le ministère d’avocat est en revanche indispensable pour la défense du fonctionnaire. L’article R 811-7 du code de justice administrative, tel que modifié par le décret n°2017-493 du 6 avril 2017, dispense de ministère d’avocat les seuls contentieux relatifs aux contraventions relevant de la compétence du juge administratif. Cette exception ne concerne donc pas les agents publics pour leurs conflits de travail.
En Cassation :
Dans l’Ordre administratif, le pourvoi en cassation est formé par l’agent public devant le Conseil d’Etat. En droit de la fonction publique, la représentation par un avocat devant le Conseil d’Etat en cassation est obligatoire, sauf concernant les litiges relatifs à sa pension. Il sera rappelé qu’il ne peut s’agir que d’un avocat inscrit à l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation.
3.Il ressort des règles susvisées que l’agent public peut se défendre seul devant le juge administratif dans plusieurs hypothèses. Compte tenu de l’évolution fréquente de la législation, il aura néanmoins toujours intérêt à vérifier ce point avant de former un recours contre son administration-employeur.
Enfin, il n’est un secret pour personne que la procédure administrative contentieuse (les règles de procédure devant le juge administratif) est complexe, et en mutation permanente.
Aussi, il est dans la plupart des cas préférable d’avoir recours à un avocat – au moins pour un conseil préalable- avant de saisir le juge administratif. Cela permet de vérifier la pertinence du recours envisagé et de ne pas perdre une procédure pour un vice de forme qui aurait pu être évité. A l’instar de ce que rappelle le Conseil d’Etat sur son portail internet :
« L'obligation de recourir à un avocat permet de s'assurer que l'administration et justiciable soient placés sur un pied d'égalité quant à leur connaissance de la procédure et du droit applicable, dans la mesure où, dans la majorité des cas, l'administration connaît mieux le droit et la procédure que le requérant. »
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