A la suite d’un dossier traité au cours de l’année 2017 pour un client français, il m’est apparu nécessaire de faire un point juridique sur les recours à l’encontre des décisions de sanctions de l’Autorité des Marchés Financiers (ci-après « AMF »).

La loi n° 2003-706 de sécurité financière du 1er août 2003 a consacré la fusion de la Commission des opérations de bourse (COB), du Conseil des marchés financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF).

En tant qu’autorité dont la mission est principalement de réguler et de veiller au bon fonctionnement des marchés financiers, le législateur a créé l’AMF sous forme d’une autorité administrative indépendante (AAI) avec personnalité morale. L’article L621-1 du code monétaire et financier (ci-après « CMF ») précise aussi que l’AMF doit « apporter son concours à la régulation de ces marchés aux échelons européen et international ».

Comme le résume très bien l’AMF sur son site internet (https://www.amf-france.org/), elle est investie des pouvoirs suivants :

  • édicte des règles,
  • autorise les acteurs, vise les documents d’information sur les opérations financières et agrée les produits d’épargne collective,
  • surveille les acteurs et les produits d’épargne soumis à son contrôle,
  • mène des enquêtes et des contrôles,
  • dispose d’un pouvoir de sanction,
  • informe les épargnants et propose un dispositif de médiation.

Il convient de s’intéresser plus particulièrement au pouvoir de sanction dont bénéficie l’AMF au titre des dispositions de l’article L621-15 du CMF.

Dans le cas qui m’a occupé, un client était soupçonné par l’AMF de s’être livré à des manipulations de cours (article 12 à 15 du règlement MAR).

En l’espèce, l’AMF avait repéré un certain nombre d’anomalies sur une valeur, dont le volume de transactions effectuées dans un faible laps de temps. L’AMF avait donc diligenté une enquête rétroactive sur les deux années précédentes afin de vérifier que les cours n’avaient pas été manipulés (la prescription est triennale).

Au final, l’enquête avait permis à l’AMF d’identifier plus particulièrement six journées au cours desquels le cours de cette valeur boursière avait connu des modifications anormales. C’est dans ces conditions que la direction des enquêtes et des contrôles de l’AMF a informé le défendeur que des faits étaient susceptibles de lui être reprochés au regard des constats opérés par les enquêteurs de l’AMF. A ce stade, le défendeur bénéficie d’un délai d’un mois pour présenter ses observations en défense.

En l’espèce, l’AMF considérait que la manipulation des cours portait sur environ 400 échanges de titres sur une période de six jours, permettant au défendeur de faire gonfler artificiellement le prix de ses actions et donc de générer une plus-value substantielle à la revente. De fait, l’AMF reprochait au défendeur d’avoir perçu, de manière indue, environ deux millions d’euros. Pour ce type d’infractions, le CMF prévoit les peines suivantes :

b) La commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 15 millions d'euros ou au décuple du montant de l'avantage retiré du manquement si ce montant peut être déterminé, en cas de pratiques mentionnées au II du présent article. Les sommes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne morale sous l'autorité ou pour le compte de qui agit la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public ;

En l’occurrence, le défendeur encourait la peine maximale de 15 millions d’euros.

Après avoir présenté des éléments circonstanciés justifiant de l’intervention sur le marché et de son caractère parfaitement légal des opérations, l’AMF a toutefois décidé de transmettre le dossier à la présidence de la commission des sanctions de l’AMF sur le fondement des dispositions de l’article R.621-38 du CMF.

Le CMF impose alors à la commission des sanctions de nommer un rapporteur. Cette nomination est notifiée aux défendeurs qui disposent d’un délai d’un mois pour récuser le rapporteur (Article R.621-39-3 du CMF). Une fois achevé, le rapport qui contient l’ensemble des griefs retenus à l’encontre des défendeurs leur est notifié. Les défendeurs peuvent alors déposer des écritures en réponse à ce rapport. Ils peuvent aussi demander à être entendu par le rapporteur de l’affaire.

Ensuite, l’AMF doit notifier aux défendeurs une convocation à l’audience par devant la commission des sanctions afin de statuer sur les griefs retenus et chargée de prononcer les éventuelles sanctions.

En l’espèce, il s’agissait de soutenir que l’AMF ne rapportait pas la preuve de l’élément intentionnel de l’infraction, et encore moins de l’avantage de mon client aurait pu retirer de cette manipulation. Au surplus, il a été démontré qu’eu égard au faible nombre d’actions quotidiennement en temps normal toute intervention d’un nouvel investisseur sur cette valeur aurait forcément pour effet de modifier profondément la structure de ce marché.

Au final, la commission des sanctions reconnait la pertinence de cette analyse mais considère toutefois qu’en raison de l’importance des gains obtenus, une manipulation du cours sur cette valeur a bien eu lieu, sans davantage motiver la décision. De fait, elle a condamné le défendeur à payer une amende de quelques dizaines de milliers d’euros.

Cette solution n’étant, bien entendu, pas satisfaisante au regard de l’absence de démonstration de faute du défendeur, un recours va donc être introduit à l’encontre de cette décision.

Modalités de contestation de la sanction de l’AMF :

Les voies et délais de recours à l’encontre des décisions de l’AMF sont précisées aux articles R.621-44 et suivants du CMF. Il est ainsi précisé que « le délai de recours contre les décisions individuelles prises par l'Autorité des marchés financiers est de dix jours, sauf en matière de sanctions, où il est de deux mois. Le délai court, pour les personnes qui font l'objet de la décision, à compter de sa notification et, pour les autres personnes intéressées, à compter de sa publication ».

En plus de délais de recours spécifiques, les juridictions amenées à connaitre de ces recours sont au nombre de deux. Ainsi, le Conseil d’État est compétente pour connaitre des recours formés par les personnes visées au II de l'article L.621-9 du CMF. Les recours sont de pleine juridiction et peuvent être accompagnées d’une demande de suspension de la décision sur le fondement des dispositions L.521-1 du CJA.

A l’inverse, les recours contre les autres décisions individuelles qui ne ressortent pas de la compétence du Conseil d’État sont portées devant la Cour d’appel de Paris. De manière identique, la décision objet du recours est susceptible de faire l’objet d’une demande de sursis à exécution, ce qui est le cas dans l’affaire qui nous concernait.

Il est donc possible de contester les décisions de sanctions qui vous sont notifiées par l’AMF, même s’il est clairement conseillé d’intervenir en amont de la procédure et de vous faire assister d’un conseil dès le premier échange avec l’AMF.