L’article L 420-2 alinéa 2 du code de commerce dispose que :
« Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées aux articles L. 442-1 à L. 442-3 ou en accords de gamme. »
Il en résulte que l'existence d'un abus de dépendance économique suppose la réunion des trois conditions suivantes (Aut. conc. 9 août 2017 n° 17-D-15, CA Paris 30 septembre 2021 n° 20/07846) :
- l'existence d'une situation de dépendance économique d'une entreprise à l'égard d'une autre ;
- une exploitation abusive de cette situation ;
- une affectation réelle ou potentielle du fonctionnement ou de la structure de la concurrence sur le ou les marchés considérés.
L’abus de dépendance économique suppose donc de démontrer une relation de type client-fournisseur.
L'Autorité de la concurrence considère que la dépendance économique doit être appréciée en fonction de quatre critères :
- la notoriété de la marque (ou du produit) ;
- la part de marché du fournisseur ;
- la part représentée par les produits du fournisseur dans le chiffre d'affaires du distributeur ;
- l'absence de solution équivalente (Cons. conc. 11 septembre 2001, n° 01-D-42) aux relations contractuelles nouées, soit en qualité de client, soit en qualité de fournisseur.
Il existe trois types de dépendance :
- la dépendance pour cause d'assortiment d'un grossiste à l'égard d'un industriel fabricant de produits ayant une forte notoriété ;
- la dépendance pour cause de relations d'affaires dans laquelle un professionnel s'est fortement engagé à l'égard d'un partenaire par des contrats de longue durée ou des investissements lourds ;
- la dépendance pour cause de puissance d'achat, dans laquelle un fournisseur est tributaire d'un acheteur déterminé.
La relation de dépendance doit être involontaire (Cons. conc. 8 juin 1992, n° 93-D-21, Cora).
La situation d’abus est caractérisée par le comportement anormal d'une entreprise qui en exploite une autre.
Un lien de causalité doit être constaté entre la dépendance économique et le comportement.
Est ainsi susceptible de constituer un abus de dépendance économique le refus de vente opposé à un fabricant de produits ayant une forte notoriété à un distributeur spécialisé ou le fait de subordonner la vente de produits à l'achat d'autres marchandises. D'autres exemples se rattachent à la puissance d'achat et consistent en pratiques discriminatoires visées par l'article L. 442-1 du code de commerce ou en accords de gamme :
- minoration de prix imposée par une centrale d'achat à un fournisseur ;
- obtention de fournitures gratuites ;
- rupture de relations commerciales établies au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ;
Une atteinte au fonctionnement ou à la structure de la concurrence
C'est une notion floue. L'atteinte doit être « sensible », mais elle peut être simplement potentielle.
Cette condition a été remplie dans le cadre du litige Apple (Autorité de la concurrence, 16 mars 2020, n°20-D-04) dans lequel l'Autorité de la concurrence a relevé que les pratiques discriminatoires d'Apple à l'égard de ses distributeurs indépendants (APR pour « Apple Premium Reseller ») avait affecté la concurrence compte tenu des éléments suivants : certes, les revendeurs ne représentaient qu'une faible part des ventes des produits Apple, mais l'affectation peut être potentielle et ne pas concerner l'ensemble du marché ; ces pratiques avaient réduit la capacité de ces distributeurs indépendants à animer la concurrence ; cela était d'autant plus dommageable que certains consommateurs estimaient que les produits Apple n'étaient pas substituables aux produits des concurrents. Cette affectation est illustrée par la situation d'un des distributeurs placé en liquidation judiciaire en raison des pratiques discriminatoires d'Apple.
Pour obtenir la sanction de ce comportement, la victime peut intenter trois actions de façon cumulative :
- une action devant l'Autorité de la concurrence (qui peut également se saisir d'office) uniquement pour des faits postérieurs à trois ans. Cette autorité peut prononcer des mesures conservatoires, des injonctions d'abstention ou de modification, mais aussi des sanctions pécuniaires ;
- une action en nullité devant les juridictions judiciaires sur le fondement de l'article L. 420-3 du code de commerce. La victime peut alors, dans ce cas, obtenir des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;
- une action pénale contre toute personne physique ayant pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en œuvre des pratiques visées à l'article L. 420-2 (C. com., art. L. 420-6).
Enfin sur le fondement du nouvel article 1143 du code civil, est institué un vice de violence découlant de l'abus de l'état de dépendance dans lequel se trouve un cocontractant à l'égard de l'auteur de la violence.
Cet article est subordonné pour sa mise en œuvre à la démonstration de deux conditions cumulatives :
- la caractérisation d’un état de dépendance, qui ne se limite pas formellement à la dépendance économique ;
- la partie forte doit avoir abusé de cet état de dépendance afin d'obtenir un engagement que son cocontractant n'aurait pas souscrit sans cette contrainte et qu'elle en tire un avantage manifestement excessif.
Le Cabinet Mogenier assiste et représente de nombreuses sociétés en droit de la concurrence.
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