Le Cabinet MOGENIER est en mesure de vous accompagner en droit des transports dont en droit maritime.

Suite à une affaire récemment traitée par le Cabinet, nous allons nous intéresser plus particulièrement aux voies d’exécution portant sur les navires.

De ce fait, nous allons porter notre attention en premier lieu sur les suretés portant sur les navires, puis dans un second temps nous nous attarderons sur les opérations de saisie y afférentes.

 

  1. Les suretés affectant le navire

Au-delà des sûretés de droit commun (droit de rétention, clause de réserve de propriété…), deux types de sûretés sont spécialement applicables aux navires : les hypothèques et les privilèges. Les textes applicables à ces sûretés sont la convention de Bruxelles, le code des douanes pour les hypothèques, et en ce qui concerne les privilèges c’est le code des transports.

A. Les hypothèques

Le fait d’hypothéquer un navire est un mécanisme relativement courant afin de financer la construction dudit navire. En effet, les navires sont des actifs qui coutent très chers, ce qui implique que les opérations de financement prévoient une hypothèque sur le navire afin de garantir les prêteurs contre le risque de défaillance du propriétaire.

Il est à noter que le code des douanes, en son article 241, dispose que peuvent être hypothéquer les « navires et les bâtiments de mer », ce qui implique que les plateformes pétrolières peuvent par exemple faire l’objet d’une telle mesure.

L’article 242 du code des douanes dispose que le constituant de l’hypothèque doit être le propriétaire du navire. Il est à noter que lorsque le navire est en copropriété, chaque indivisaire ou quirataire doit hypothéquer sa part.

Il s’agit d’un acte écrit et qui doit être publié à la conservation des hypothèques maritimes pour le rendre opposable aux tiers. La publicité de cet acte doit être conservée pendant dix années.

Ces hypothèques sont attributives de rang, ce qui signifie que les premiers créanciers sont payés selon l’ordre d’inscription sur ce registre. Cela induit aussi que la créance hypothécaire prime sur la créance chirographaire.

Le créancier hypothécaire bénéficie aussi d’un droit de suite qui est opposable aux tiers, ce qui implique que l’acheteur du navire devra s’attacher à désintéresser tous les créanciers hypothécaires lors de l’acquisition du navire.

Le principe de la subrogation implique, qu’en cas d’avarie ou de perte du navire, le créancier hypothécaire sera alors bénéficiaire des indemnités prévues au contrat d’assurance.

La mainlevée de l’hypothèque peut intervenir soit en cas de radiation volontaire de la part du créancier soit en cas d’extinction de la créance.

B. Les privilèges

Les privilèges maritimes portent sur le navire, ses accessoires, le fret ainsi que toutes les sommes gagnées au cours des voyages.

Néanmoins, la marchandise n’est pas considérée comme ressortant du régime des privilèges.

Lorsqu’ils bénéficient d’un droit de préférence, les créanciers peuvent se faire payer sur le prix du navire. En cas d’adjudication du navire, les créanciers doivent faire opposition au prix de vente dans un délai d’un mois à compter de ladite adjudication.

A l’instar des hypothèques, les privilèges disparaissent lorsque la créance est éteinte. Mais, ils peuvent aussi disparaitre au cours du temps. En effet, le délai de prescription des privilèges est très court, ce qui suppose que le créancier soit très diligent.

C. Les créances privilégiées et classement des créanciers sur un navire

L’article L.5114-8 du code des transports précisent quelles sont les créances qui sont considérées comme privilégiées, c’est-à-dire que cette créance sera payée avant tout autre :

Sont privilégiés sur le navire, sur le fret du voyage pendant lequel est née la créance privilégiée et sur les accessoires du navire et du fret acquis depuis le début du voyage :

1° Les frais de justice exposés pour parvenir à la vente du navire et à la distribution de son prix ;

2° Les droits de tonnage ou de port et les autres taxes et impôts publics de mêmes espèces, les frais de pilotage, les frais de garde et de conservation depuis l'entrée du navire dans le dernier port ;

3° Les créances nées du contrat d'engagement du capitaine, de l'équipage et du contrat de travail des autres personnes employées à bord ;

4° Les rémunérations dues pour sauvetage et assistance et la contribution du navire aux avaries communes ;

5° Les indemnités pour abordage ou autres accidents de navigation, ou pour dommages causés aux ouvrages d'art des ports et des voies navigables, les indemnités pour lésions corporelles aux passagers et aux équipages, les indemnités pour pertes ou avaries de cargaison ou de bagages ;

6° Les créances provenant des contrats passés ou d'opérations effectuées par le capitaine hors du port d'attache, en vertu de ses pouvoirs légaux, pour les besoins réels de la conservation du navire ou de la continuation du voyage, sans distinguer si le capitaine est ou non en même temps propriétaire du navire et s'il s'agit de sa créance ou de celle des fournisseurs, réparateurs, prêteurs ou autres contractants. Il en est de même pour les créances que font naître contre l'armateur les actes du consignataire, lorsqu'il pourvoit aux besoins normaux du navire au lieu et place du capitaine.

S’agissant des créanciers, il est possible eux aussi de les classer selon le rang dans lequel leur créance sera satisfaite :

  • Les créanciers bénéficiaires d’un privilège maritime. A noter qu’entre créanciers privilégiés c’est toujours celui du voyage en cours qui est privilégié par rapport à celui du voyage précédent ;
  • Les créanciers hypothécaires ;
  • Les créanciers bénéficiaires d’un privilège de droit commun ;
  • Les créanciers chirographaires.

 

2. Les opérations de saisie du navire

Nous allons uniquement nous focaliser sur les actes de saisie tels qu’ils sont prévus par le droit français. Les actes de saisie en droit international reposent sur les dispositions de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952.

A. La saisie conservatoire

En cas de négligence de la part du débiteur, un créancier peut demander à ce qu’un navire soit placé sous main de justice par le principe de la saisie conservatoire. Le navire sera alors immobilisé jusqu’au règlement de la créance due. Cela suppose donc une autorisation judiciaire de la part du juge du tribunal de commerce ou du juge de l’exécution du port dans lequel le navire mouille.

La saisie conservatoire d’un navire implique la réunion de certaines conditions :

  • La créance doit paraitre fondée en son principe. Elle n’a donc pas à être certaine ;
  • Le débiteur répondant de ses créances sur l’ensemble de ses biens, n’importe lequel de ses navires peut être saisi ;
  • Tous les créanciers peuvent saisir le navire, peu importe que la créance soit en lien avec l’activité maritime ;

Une fois l’autorisation de saisie obtenue de la part du juge, le navire ne pourra plus repartir du port dans lequel il est amarré.

Pour sa part, le débiteur pourra solliciter la mainlevée de l’acte de saisie en constituant une garantie bancaire au bénéfice du créancier, ou en démontrant l’absence de dette, ou le caractère infondée de la demande de saisie. Enfin, le débiteur peut aussi solliciter du juge qu’il soit procédé à une substitution du navire saisi.

En complément de cette action en saisie, le créancier devra dans un délai d’un mois à compter de l’acte de saisie introduire une action au fond à peine de caducité de la saisie.

B. La saisie exécution

Dernière étape des opérations de saisie, la saisie exécution a pour objet de procéder à la vente du navire.

La procédure débute par la signification d’un commandement de payer adressée au débiteur. Il doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires qui sont visées à l’article L.5114-23 du code des transports.

En considération de la gravité de la mesure, le créancier doit disposer d’un titre exécutoire délivré par un juge.

Une fois cette étape franchie, la saisie doit être effectuée dans un délai qui ne peut excéder dix jours. Un huissier doit dresser procès-verbal de l’acte de saisie et ensuite le notifier au service du port, au propriétaire et au consul de l’État dont le navire est originaire. Puis dans les 7 jours suivant l’établissement du procès-verbal, ce dernier devra être transmis au service des hypothèques ainsi que sur le fichier des inscriptions maritimes. Dans les 10 jours suivants, le conservateur des hypothèques devra adresser au propriétaire un état hypothécaire du navire. Enfin, le PV de saisie sera aussi notifié aux autres créanciers.

Un débat aura alors lieu dans les trois jours devant le juge de l’exécution du Tribunal compétent. Ce dernier devra alors décider si le navire doit être vendu ou non. Si une adjudication est décidée, le juge fixera le prix ainsi que les conditions matérielles de la vente. Une publicité devra précédée la vente d’au moins 15 jours.

En dernier lieu, le navire sera vendu au plus offrant qui devra consigner la somme convenue auprès de la CDC dans un délai de 24 heures. A défaut, le navire sera remis en vente, à charge pour le premier adjudicateur de régler la différence éventuelle entre les deux montants d’adjudication.