Dans une précédente note, nous avions évoqué le contrôle des investissements étrangers en droit interne.

Compte-tenu de l’importance des investissements directs de personnes physiques ou morales extérieurs à l’UE, il est apparu indispensable de se doter d’un cadre juridique commun au sein de l’UE.

C’est à ce stade qu’intervient le règlement 2019/452 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 établissant un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l'Union.

On peut noter à titre liminaire que ce texte est un premier « cadrage », qui implique la possibilité pour les Etats membres de « maintenir, modifier ou adopter des mécanismes visant à filtrer les investissements directs étrangers sur leur territoire pour des motifs de sécurité ou d'ordre public ». On peut penser sur ce point que le mécanisme français étant déjà très développé, il ne devrait pas connaitre de modifications substantielles.

Objet du règlement :

Il a pour objet d'établir un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’UE. Il concerne uniquement les investissements réalisés au sein de l’UE par une personne physique d'un pays tiers ou une société d'un pays tiers.

Notion d’investissement étranger :

L’article 2 du règlement précise que doit être considéré comme un investissement étranger :

« un investissement de toute nature auquel procède un investisseur étranger et qui vise à établir ou à maintenir des relations durables et directes entre l'investisseur étranger et l'entrepreneur ou l'entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue d'exercer une activité économique dans un État membre, y compris les investissements permettant une participation effective à la gestion ou au contrôle d'une société exerçant une activité économique; »

Principaux mécanismes adoptés :

Le contenu du règlement évoque très rapidement un texte souple et qui est, au demeurant, très peu contraignant. Une nouvelle fois, on constate que ce règlement a été adopté afin de laisser une grande latitude d’action aux Etats membres pour contrôler les investissements étrangers qui affectent leur économie.

  • Droit au recours

On remarque toutefois, que le règlement impose la mise en place d’un mécanisme de recours à l’encontre des décisions de filtrage. Ainsi, les décisions qui refuseront les investissements devront être susceptibles d’être contestées. Aucune précision supplémentaire n’est cependant apportée sur ce sujet (Article 3).

  • Coopération entre les Etats membres et avec la Commission

Le texte prévoit la mise en place d’un double mécanisme de coopération. D’une part entre les membres et entre les Etats membres et la Commission européenne.

Plus particulièrement, les Etats membres doivent notifier à la Commission européenne les mécanismes de filtrage qu’ils mettent en place.

Les Etats devront aussi transmettre chaque année un rapport à la Commission sur ces investissement (Article 5)

Ils doivent aussi notifier tout investissement qui ferait l’objet d’une procédure de filtrage. En retour, la Commission pourra éventuellement interpeller l’État sur la mise en place de cette procédure.

Enfin, il est prévu que la Commission puisse émettre des avis sur des investissements dès lors qu’ils portent atteinte à la sécurité ou à l’ordre public d’un État ou de l’Union. Il est à noter que les autres Etats membres seront destinataires de cet avis (Articles 6 à 8).

  • Motifs du contrôle de l’investissement

Le règlement dégage aussi un certain nombre de motifs légitimes de contrôle de l’investissement. Ceux-ci sont précisés, à son article 4 :

"Pour déterminer si un investissement direct étranger est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public, les États membres et la Commission peuvent prendre en considération ses effets potentiels, entre autres, sur:

a)

les infrastructures critiques, qu'elles soient physiques ou virtuelles, y compris les infrastructures concernant l'énergie, les transports, l'eau, la santé, les communications, les médias, le traitement ou le stockage de données, l'aérospatiale, la défense, les infrastructures électorales ou financières et les installations sensibles ainsi que les terrains et les biens immobiliers essentiels pour l'utilisation desdites infrastructures;

b)

les technologies critiques et les biens à double usage au sens de l'article 2, point 1), du règlement (CE) no 428/2009 du Conseil (15), y compris les technologies concernant l'intelligence artificielle, la robotique, les semi-conducteurs, la cybersécurité, l'aérospatiale, la défense, le stockage de l'énergie, les technologies quantiques et nucléaires, ainsi que les nanotechnologies et les biotechnologies;

c)

l'approvisionnement en intrants essentiels, y compris l'énergie ou les matières premières, ainsi que la sécurité alimentaire;

d)

l'accès à des informations sensibles, y compris des données à caractère personnel, ou la capacité de contrôler de telles informations; ou

e)

la liberté et le pluralisme des médias.

2.   Pour déterminer si un investissement direct étranger est susceptible de porter atteinte à la sécurité ou à l'ordre public, les États membres et la Commission peuvent aussi prendre en compte, en particulier:

a)

le fait que l'investisseur étranger soit contrôlé directement ou indirectement par le gouvernement, y compris des organismes publics ou les forces armées, d'un pays tiers, notamment à travers la structure de propriété ou un appui financier significatif;

b)

le fait que l'investisseur étranger ait déjà participé à des activités portant atteinte à la sécurité ou à l'ordre public dans un État membre;

c)

le fait qu'il existe un risque grave que l'investisseur étranger exerce des activités illégales ou criminelles."

 

Bien entendu ces éléments seront à analyser aussi au travers du prisme de chaque législation nationale.

Toutefois, on ne peut que saluer cet effort de coopération qui vise à protéger les intérêts européens contre des détournements d’Etats tiers à l’UE.

 

Le Cabinet MOGENIER vous accompagne dans toutes les problématiques relatives aux investissements étrangers en France.