Par une décision n°412493, "Association Force 5" du 25 février 2019, le Conseil d'Etat a assoupli sa jurisprudence concernant l'intérêt à agir des associations contre les autorisations d'exploiter une centrale de production électrique.

Faits:

Dans le cadre d'un plan de développement de la production d'électricité en Bretagne, le ministre avaient lancé un appel d'offre sur le fondement des dispositions de l'article L.311-10 du code de l'énergie.

Un groupement mené par les sociétés Direct Energie et Siemens avait remporté cette procédure. Le projet consistait en la construction d'une unité de production électrique de type cycle combiné gaz.

Une association locale de défense de l'environnement, Force 5, a contesté l'arrêté du 10 janvier 2013 par lequel le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a autorisé la société Direct Energie Génération, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à exploiter une centrale de production d'électricité de type cycle combiné à gaz, d'une capacité de 446 MW, à Landivisiau (Finistère).

Le Tribunal administratif, puis la Cour d'appel avait rejeté cette requête en raison de l'absence d'intérêt à agir de l'association à l'encontre de cet arrêté.

Question de droit:

Une association a-t-elle intérêt à agir à l'encontre de la décision du ministre accordant à une société l'autorisation d'exploiter une centrale de production d'électricité ?

Considérant de principe:

" 4. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point 3 ci-dessus que l'autorisation administrative prévue par l'article L. 311-1 du code de l'énergie ne concerne pas seulement les installations de production d'électricité ayant fait l'objet de la procédure d'appel d'offres prévue à l'article L. 311-10 et n'a donc pas pour seul objet de désigner le ou les candidats retenus à l'issue de cette procédure mais constitue l'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité et désigne non seulement le titulaire de cette autorisation mais également le mode de production et la capacité autorisée ainsi que le lieu d'implantation de l'installation. Par suite, en se fondant sur ce que l'arrêté attaqué, qui a été pris sur le fondement de l'article L. 311-1, avait pour seul objet de désigner, à l'issue de la procédure d'appel d'offres qui s'est déroulée du 25 juin 2011 au 19 février 2012, l'entreprise autorisée à exploiter l'installation de production d'électricité mentionnée au point 1 de son arrêt et en en déduisant que cet arrêté n'était pas, en lui-même, susceptible de porter atteinte aux intérêts que l'association requérante s'est donné pour objet de défendre, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit. "

Enseignement n°1:

Les deux juridictions précédentes avaient dénié tout intérêt à agir en soulignant que la décision du ministre désignant les sociétés comme attributaires étaient susceptibles de ne pas être mise oeuvre. Dans ces circonstances, l'association ne justifiait pas d'un intérêt à agir suffisant.

Le Conseil d'Etat censure l'arrêt de la Cour d'appel en considérant que la procédure prévue à l'article L.311-1 du code l'énergie n'a pas simplement pour effet de désigner le candidat retenu, mais aussi d'autoriser ledit candidat à exploiter la future centrale.

Enseignement n°2:

En admettant cet intérêt à agir, le Conseil d'Etat reconnait que les usines de production d'électricité sont susceptibles de comporter des incidences sur l'environnement. Le rapporteur public avait relevé dans cette affaire que la localisation de l'unité de production ainsi que le choix du mode de production étaient susceptibles d'emporter certaines incidences sur l'environnement et donc sur les intérêts protégés par cette association.

En d'autres termes, le mode d'exploitation de l'installation peut, désormais, être considéré comme emportant des incidences graves sur l'environnement.

Enseignement n°3:

Enfin, cette décison procède à une décomposition du séquençage et de l'enchainement des décisions juridiques sur des projets de cette importance. En admettant le recours contre cette décision, le Conseil d'Etat procède à une division décisionnelle dont on peut se demander s'il est opportune.