Par un arrêt du 5 mars 2019 (Eesti Pagar AS contre Ettevõtluse Arendamise Sihtasutus et Majandus- ja Kommunikatsiooniministeerium, aff.C-349/17) la Grande Chambre de la CJUE était amenée à se prononcer pour la première fois sur la condition d’effet incitatif prévue à l’article 8§2 du RGEC de 2008.

Faits :

La société Eesti Pagar avait conclu un contrat aux termes duquel elle s’était engagée envers une seconde à acquérir une chaine de production de pain. Un second contrat de leasing de financement a été conclu à la suite duquel a été conclu un dernier contrat de vente tripartite, par lequel Kauko-Telko s’est engagée à vendre cette chaîne de production de pain à Nordea Finance Estonia, qui s’est engagée à donner celle-ci en leasing à Eesti Pagar. Ce contrat a pris effet à sa signature

La société Eesti Pagar avait sollicité, pour le financement de ces acquisitions, une aide auprès de la fondation pour le développement d’entreprise. Cette aide lui avait été octroyée en mars 2009, pour un montant de 526 300 euros, cofinancé par le FEDER.

Près de quatre ans plus tard, la fondation pour le développement a informé la société Eesti Pagar que la conclusion du premier contrat méconnaissait la condition d’effet incitatif indispensable pour l’octroi d’une telle aide, exemptée de l’obligation de notification préalable prévue à l’article 108§3 du TFUE. En conséquence la fondation a ordonné la récupération de cette aide.

La CJUE était saisie de cinq questions préjudicielles.

Question de droit :

Un État doit-il prendre l’initiative de récupérer une aide illégale, de sa propre initiative, alors que la Commission ne s’est pas prononcée en ce sens ?

Considérant de principe :

« Il s’ensuit que, lorsqu’une autorité nationale constate qu’une aide qu’elle a octroyée en application du règlement no 800/2008 ne remplit pas les conditions posées pour bénéficier de l’exemption prévue par ce règlement, il lui incombe, mutatis mutandis, de respecter les mêmes obligations que celles évoquées au point 89 du présent arrêt, dont celle de récupérer de sa propre initiative l’aide illégalement octroyé »

Enseignement n°1 :

Tout d’abord, la CJUE confirme le caractère illégal de l’aide et précise qu’il appartient aux autorités nationales de vérifier si la demande a bien été présentée conformément aux dispositions de l’article 8§2 du. RGEC, c’est-à-dire « avant le début de la réalisation du projet » C’est donc ce critère d’antériorité qui fait foi et qui permet d’exclure la mesure du champ d’application du RGEC. De fait, lorsque la condition d’effet incitatif n’est pas remplie, l’aide octroyée sur le fondement du RGEC a nécessairement été attribuée en l’absence de notification et, est donc illégale.

Enseignement n°2 :

Ensuite, la CJUE précise que le délai de prescription applicable à la récupération de l’aide illégalement octroyée, au moins d’un fonds structurel, est de 4 ans à compter de la réalisation de l’irrégularité. Le délai classique de 10 ans n’est en l’espèce pas applicable. Ce délai est applicable uniquement si les conditions prévues par le règlement n°2988/95 ne sont pas réunies, le délai de prescription qui s’applique est celui du droit national.

Enseignement n°3 :

Enfin, et il s’agit toujours d’une mesure extrêmement dure à notre sens, la CJUE confirme que le rétablissement de la situation antérieure implique non seulement la récupération de l’aide mais aussi des intérêts qui ont couru pendant toute la période de l’illégalité. Le taux applicable est un taux de référence égal à celui qui aurait été appliqué si l’entreprise avait emprunté sur le marché.