Par une décision du 13 mars 2019 (n°406867), le Conseil d’État confirme qu’une digue construite sur un cours d’eau privé est un ouvrage privé, quand bien même les collectivités interviendraient dessus pour les sécuriser. Toutefois, lorsque les travaux conduisent à modifier les caractéristiques de l’ouvrage, la responsabilité sans faute de l’administration peut être reconnue.

Faits :

La société La réserve africaine de Sigean a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique du bassin de la Berre et du Rieu à lui verser les sommes de 64 084,41 € et de 2 516 695 € en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite d'inondations survenues les 28 octobre 2011, 21 novembre 2011 et 6 mars 2013. Cette requête a été rejetée purement et simplement par le TA.

En appel, faible compensation, la CAA de Marseille avait reconnu que le syndicat était redevable de la somme de 25 450 € en réparation des préjudices subis à la suite d'inondations survenues en 2011 et 2013.

C’est contre cette décision que le syndicat se pourvoyait.

Question de droit :

Les aménagements effectués sur un cours d’eau privé peuvent-ils conduire l’administration à engager sa responsabilité pour dommages permanents de travaux publics.

Considérant de principe :

« 6. En troisième lieu, la personne qui estime subir des préjudices permanents du fait d'un ouvrage privé construit par des travaux publics ou ayant fait l'objet de tels travaux, ne peut poursuivre la responsabilité sans faute de la personne publique qui a pris en charge ces travaux qu'à raison de préjudices qui trouvent leur cause dans des caractéristiques de l'ouvrage décidées par la personne publique. Par suite, le syndicat intercommunal n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en jugeant que la société pouvait rechercher sa responsabilité pour dommages permanents de travaux publics en raison des caractéristiques de l'ouvrage en cause, après avoir relevé qu'elles avaient été arrêtées par lui. »

Enseignement n°1 :

En ce qui concerne l’entretien des cours d’eau privé, le Conseil d’État rappelle qu’au titre des dispositions de l’article L.215-14 sont tenus d’effectuer un entretien régulier dudit cours d’eau. Au titre de leurs prérogatives en matière de police générale et ce, afin de prévenir les dommages (CE, 14 mai 2008, Commune du Pertuis, n°291440). Plus particulièrement, les collectivités disposent d’une procédure prévue à l’article L.211-7 du code de l’environnement permettant de prescrire des travaux sans le consentement des propriétaires.

Enseignement n°2 :

Le Conseil d’État avait admis que la responsabilité des personnes publiques pouvait être engagées sur deux fondements : le défaut d’entretien d’ouvrages publics, et la carence à exercer ses missions de police spéciale des cours d’eau non domaniaux. En l’espèce, le Conseil d’État reconnait que la responsabilité du syndicat peut être retenue au titre des travaux qu’il a effectué quelques années plus tôt. Il s’agit donc d’une responsabilité sans faute pour des dommages permanents.

Enseignement n°3 :

Au final, la responsabilité de l’administration est retenue à raison de la décision prise par l’administration d’abaisser le niveau de la levée de terre, « et ainsi contribué à l'aggravation des effets des inondations des 28 octobre 2011, 21 novembre 2011 et 6 mars 2013 ». Finalement, les juges du Palais Royal admettent que la responsabilité de l’administration doit être engagée à hauteur de 30 % du montant des préjudices subis.