Par une décision du 14 juin 2019, le Conseil d’État affine sa jurisprudence concernant l’intérêt d’une collectivité publique à se déclarer candidate à un contrat de la commande publique

Faits :

Le département de la Vendée a lancé en 2006 un appel d’offres portant sur la réalisation de travaux de dragage sur l’estuaire du Lay. Le département de la Charente-Maritime a candidaté et remporté le marché. L’un des candidats, la société VINCI construction maritime a contesté cette décision.

La voie du recours « Tarn et Garonne » n’étant pas encore ouverte à l’époque, la société VINCI avait demandé au juge de l’excès de pouvoir d’annuler la décision de signer le contrat. Le Conseil d’état avait donc eu l’occasion de se prononcer une première fois sur le sujet (CE, 30 décembre 2014, n°355563).

Saisi sur renvoi de la part du Conseil d’État, la CAA de Nantes a de nouveau refusé d’annuler la signature du marché. C’est contre cet arrêt que la société VINCI s’est pourvue.

Question de droit :

L’amortissement d’un matériel acheté et utilisé par une collectivité publique dans le cadre des missions qui lui sont dévolues constitue-t-il un intérêt public local suffisant pour attribuer un marché à cette collectivité ?

Considérant de principe :

« Ainsi qu'il a été dit au point 2, la candidature d'une collectivité territoriale à l'attribution d'un contrat de commande publique peut être regardée comme répondant à un intérêt public local lorsqu'elle constitue le prolongement d'une mission de service public dont la collectivité a la charge, notamment parce que l'attribution du contrat permettrait d'amortir des équipements dont elle dispose. Cet amortissement ne doit toutefois pas s'entendre dans un sens précisément comptable, mais plus largement comme traduisant l'intérêt qui s'attache à l'augmentation du taux d'utilisation des équipements de la collectivité, dès lors que ces derniers ne sont pas surdimensionnés par rapport à ses propres besoins. Par suite, en se bornant à prendre en compte la durée d'amortissement comptable de la drague " Fort Boyard " pour apprécier l'intérêt public local de la candidature du département de la Charente-Maritime, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit. »

Enseignement n°1 :

Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle la solution qu’il avait présentée en 2014 et selon lequel aucun principe ou texte ne fait obstacle à ce qu’une collectivité publique ou l’un de ses établissements se porte candidat à un contrat de la commande publique. Toutefois, une telle candidature doit répondre à un intérêt public local, et donc constituer le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité a la charge. Constitue un tel intérêt public, l’amortissement de matériel ou équipement, valoriser les moyens ou encore assurer un équilibre financier.

Enseignement n°2 :

Toutefois, se fondant sur le cas d’espèce, le Conseil d’État souligne que l’intérêt d’amortir des matériels ne doit pas s’entendre d’un point de vue purement comptable mais en prenant en compte l’intérêt qui s’attache à l’augmentation de l’utilisation dudit matériel. Dans ces conditions, la CAA ayant fondé son refus sur la durée d’amortissement du matériel, le Conseil d’État annule cet arrêt.

Enseignement n°3 :

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État rejette néanmoins le recours de VINCI. Il indique en effet que la drague avait été achetée pour faire face aux besoins du département de la Charente-Maritime, mais que son utilisation une partie seulement de l’année impliquait que son utilisation en dehors du département pouvait s’inscrire dans le prolongement du service public d’exploitation des ports maritimes et permettait d’amortir l’équipement. L’intérêt public local existait donc bien et la candidature pouvait donc légitimement être admise.