Le Conseil d’État vient de mettre un frein à l’extension sans limite de sa jurisprudence CZABAJ (CE, 13 juillet 2016, n°387763).

Faits :

Une patiente considérait que les problèmes médicaux qu’elle avait subis étaient consécutifs de manquements de la part du centre hospitalier de Vichy. Elle a donc présenté une réclamation préalable tendant à se voir indemniser les préjudices qu’elle estimait avoir enduré.

En 2010, la patiente s’est vu notifier une décision expresse de rejet de sa demande. Elle a donc saisi le juge administratif en référé-expertise.  A la suite, de cette expertise le Tribunal administratif lui a octroyé la somme de 5.247,83 euros.

Les deux parties ont interjeté appel de cette décision. La CAA de Lyon a rejeté l’appel principal de centre hospitalier et l’appel incident de la requérante. C’est contre cette décision que le centre hospitalier a formé un pourvoi devant de la Conseil d’État.

Question de droit :

La jurisprudence CZABAJ est-elle applicable au contentieux indemnitaire de la responsabilité administrative ?

Considérant de principe :

« Il résulte, par ailleurs, du principe de sécurité juridique que le destinataire d’une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s’il entend obtenir l’annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s’appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d’une personne publique qui, s’ils doivent être précédés d’une réclamation auprès de l’administration, ne tendent pas à l’annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l’article L. 1142-28 du code de la santé publique. »

Enseignement n°1 :

Tout d’abord, le Conseil d’État rappelle qu’à défaut d’avoir été notifiés les voies et délais de recours sont inopposables au destinataire d’une décision individuelle. En l’occurrence, le courrier qui notifiait le rejet de sa demande préalable ne mentionnait nullement que la saisine de la commission de conciliation et d’indemnisation avait pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux. De ce fait, ce même délai lui était inopposable.

Enseignement n°2 :

Dans le présent cas, le Conseil d’État indique que l’application de ce délai de recours raisonnable est assurée par les dispositions de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale. Partant, le Conseil d’État confirme que la CAA de Lyon n’a pas commis d’erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier à la demande de la patiente. Sur ce point, il est notable que la jurisprudence est désormais divisée avec les actions en responsabilité fondée sur l’illégalité fautive de décision à objet purement pécuniaire (CE, 9 mars 2018, Communauté de communes du Pays Roussillonnais, n°405355)

Enseignement n°3 :

Le Conseil d’État met donc un terme (heureux) à l’extension de la jurisprudence CZABAJ qui avait touché beaucoup de domaines et dont on pouvait légitimement se demander si elle n’allait finalement pas s’étendre à l’ensemble du contentieux administratif.