Par une décision du 24 juin 2019 (n°429407), le Conseil d’État indique que la divulgation, dans la presse, d’informations confidentielles relatives à l’offre d’un candidat est susceptible de rompre l’égalité entre ces derniers.

Faits :

La collectivité de Corse a lancé une procédure portant sur une DSP de transport maritime de passagers et de marchandises entre la Corse et le continent. Parmi les candidats, la société la Méridionale, requérante au pourvoi, avait demandé l’annulation de la procédure d’attribution devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia. Après avoir vu son offre rejetée, elle se plaignait de la divulgation dans la presse d’éléments confidentiels relatifs à son offre.

Question de droit :

La divulgation d’informations confidentielles de l’offre d’un candidat est-elle constitutive d’une rupture d’égalité entre les candidats ? Par conséquent, cette procédure doit-elle être annulée ?

Considérant de principe :

« 7. En quatrième lieu, les délégations de service public sont soumises aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, qui sont des principes généraux du droit de la commande publique. Pour assurer le respect de ces principes, la personne publique informée, avant la signature d'un contrat, de l'existence d'une irrégularité de procédure affectant le choix du concessionnaire doit s'abstenir de signer le contrat litigieux, alors même qu'elle ne serait pas responsable de cette irrégularité. Ainsi, lorsqu'est constatée, au cours de la procédure de passation, qu'ont été divulguées des informations relatives à l'offre déposée par un candidat à l'attribution du contrat, il appartient à la personne publique d'apprécier si cette divulgation peut être regardée comme étant de nature à porter atteinte au principe d'égalité entre les candidats. La seule circonstance qu'une telle divulgation ne soit pas imputable à la personne publique responsable de la procédure de passation ne la dispense pas de cette obligation. »

Enseignement n°1 :

L’égalité de traitement entre les candidats aux contrats de la commande publique constitue une obligation pour les acheteurs publics. Ainsi l’article L.3 du code de la commande publique souligne que « Les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d'accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code ».

Le non-respect de ces dispositions est constitutif du délit de favoritisme, lequel est réprimé par les dispositions de l’article 423-14 du code pénal.

Enseignement n°2 :

Les informations sensibles que les entreprises confient dans le cadre d’une procédure de DSP doivent, bien entendu, être protégées par l’acheteur public, qui ne doit pas dévoiler la stratégie commerciale de cette entreprise. Concernant la fuite de telles informations, le Conseil d’État avait déjà eu l’occasion de souligner qu’elle était susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats (CE, 8 novembre 2017, n°412859).

Dans la présente affaire, le Conseil d’État rappelle le raisonnement suivant : la divulgation d’informations confidentielles est susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats. Lorsque la personne publique est informée d’une irrégularité susceptible de vicier la procédure, elle doit s’abstenir de signer le contrat litigieux, quand bien même elle ne serait pas responsable de cette fuite d’informations. Cependant, le Conseil d’État indique aussi que la personne publique doit apprécier si cette fuite est susceptible d’avoir porté atteinte à ce principe d’égalité de traitement.

Enseignement n°3 :

En l’espèce, le Conseil d’État souligne que le fait que l’information en cause n’ait pas été divulguée par l’administration est inopérant. Cependant, il souligne aussitôt que les informations en cause ont fuité postérieurement à l’élimination de l’offre de la requérante, cette dernière ne peut donc avoir été lésée. La requête est donc rejetée.

Le Cabinet Mogenier intervient dans tous les domaines du droit de la commande publique et ce, tant en conseil qu’en contentieux.