Faits :

La ville de Naples a lancé un appel d’offres concernant l’attribution d’un marché public de services pour la restauration scolaire pour la période 2017/2018. Ce marché était composé de 10 lots. La société Sirio avait conclu avec la commune de Naples un contrat de prestation de services de restauration scolaire concernant deux lots, lequel a été résilié, au mois de mai 2017, en raison de cas d’intoxication alimentaire dus à la présence de bactéries coliformes dans la nourriture servie dans une cantine scolaire.

Le marché public de restauration scolaire, au titre de l’année scolaire 2016/2017, a été attribué à Meca qui avait été classée deuxième à l’issue de la procédure relative à l’appel d’offres organisé en vue de la passation de ce marché public.

Par procès‑verbal du 1er août 2017, le pouvoir adjudicateur a autorisé Sirio à poursuivre sa participation à cet appel d’offres pour le lot pour lequel elle avait soumis une offre. Meca a contesté la participation de Sirio audit appel d’offres devant le Tribunale amministrativo regionale della Campania (tribunal administratif régional de Campanie, Italie), sans attendre l’adoption de la décision de la commune de Naples attribuant le marché en cause au principal, laquelle est intervenue le 7 novembre 2017 et a attribué le marché à Sirio.

Meca estime que Sirio n’aurait pas dû être autorisée à poursuivre la procédure de passation de marché dès lors que le contrat qui la liait à la commune de Naples, en vue de la fourniture d’un service de restauration scolaire au titre de l’année scolaire 2016/2017, avait été résilié par cette dernière à la suite d’une intoxication alimentaire d’élèves et du personnel scolaire.

Le tribunal administratif a décidé de surseoir à statuer a saisi à titre préjudicielle la CJUE.

Question de droit :

Le juge italien a alors saisi la Cour de justice de l’Union européenne de la question de savoir si l’existence d’un recours contre une mesure de résiliation d’un précédent marché empêche toute appréciation de la part du pouvoir adjudicateur quant à la fiabilité du soumissionnaire, jusqu’à l’issue définitive du recours, alors même que l’entreprise en question n’a démontré l’adoption d’aucune mesure de mise en conformité tendant à remédier aux violations précitées et à éviter leur réitération

Considérant de principe :

« Compte tenu de ce qui précède, il y a donc lieu de répondre à la question posée que l’article 57, paragraphe 4, sous c) et g), de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’introduction d’un recours juridictionnel contre la décision de résilier un contrat de marché public prise par un pouvoir adjudicateur en raison de défaillances importantes survenues lors de son exécution empêche le pouvoir adjudicateur qui lance un nouvel appel d’offres de porter une quelconque appréciation, au stade de la sélection des soumissionnaires, sur la fiabilité de l’opérateur concerné par cette résiliation. »

Enseignement n°1 :

En droit interne, les exclusions dites de plein droit sont visées, pour les marchés, aux articles L.2141-1à L.2141-5 et L.2341-3 du code de la commande publique. En ce qui concerne les concessions, il s’agit des articles 3123-1 à L.3123-5 et L.3123-12 à L.3123-13 du code de la commande publique.

Ces exclusions automatiques concernent la commission d’infractions ou de comportements qui ont été constatées par une personne extérieure au marché. En d’autres termes, il s’agit d’infractions pénales et aux obligations sociales et fiscales. L’acheteur ne fait alors que constater que le candidat ne remplit pas les conditions pour déposer une offre et l’écarte de plein droit.

S’agissant, des exclusions laissées à l’appréciation de l’acheteur, elles sont codifiées à l’article L.2141-7 à L.2141-11 et L.3123-7 à L.3123-11 du code de la commande publique. Dans ces circonstances, l’acheteur devra quand même apprécier si les éléments qu’il détient sont susceptibles de mener à l’exclusion de la candidature. Quoiqu’il en soit, il doit mettre le candidat en position de justifier son comportement et de prouver que son offre est pertinente (article L.2141-11 du code de la commande). Si les éléments recueillis sont insuffisants, il pourra alors prononcer l’exclusion du candidat.

Enseignement n°2 :

Le La Cour estime donc que les dispositions de l’article 57§4 sous c) et g) s’opposent à ce qu’une réglementation procède à une exclusion automatique d’un candidat sous prétexte de la résiliation d’un marché antérieur pour faute. La CJUE rappelle à cet effet que la réglementation nationale doit permettre au pouvoir adjudicateur de porter une appréciation circonstanciée sur la valeur de l’offre soumise.

Enseignement n°3 :

La directive 2014/24 vise d’autres circonstances dans lesquelles, les candidats doivent être exclus. Cette possibilité n’est ouverte qu’une fois un jugement définitif prononcé :

  • Participation à une organisation criminelle ;
  • La corruption ;
  • La fraude aux intérêts des communautés européennes ;
  • Les infractions terroristes ;
  • Le blanchiment de capitaux ;
  • Le travail des enfants ;
  • Des manquements aux obligations sociales et fiscales.

Concernant les cas d’exclusions facultatives, l’article 57, §4 de la directive liste un certain nombre de cas qui peuvent conduire le pouvoir adjudicateur ou l’autorité concédante à exclure le candidat lorsque:

  • Il n’a pas respecté les principes du droit européen de la concurrence ;
  • L’opérateur est en faillite ou en procédure collective ;
  • Il a commis une faute professionnelle grave ;
  • Il n’a pas remédié à un conflit d’intérêts ;
  • Il n’a pas remédié à une distorsion de concurrence ;
  • Il a connu des défaillances dans les marchés antérieurs ;
  • Il s’est rendu coupable de fausses déclarations ;
  • Il a tenté d’influer sur le processus décisionnel d’un pouvoir adjudicateur.

Néanmoins, il est laissé au candidat l’opportunité de présenter des preuves, soit de son innocence soit de la correction des fautes qui lui étaient reprochées.

Le Cabinet Mogenier intervient sur toutes les problématiques de droit public économique et de droit européen.