Dans une décision du 26 juin 2019 (n°17-27498), la chambre commerciale de la Cour de cassation censure l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier qui avait prononcé la liquidation d’une société alors que cette dernière n’avait pas été régulièrement convoquée à l’audience de conversion.

Faits :

Une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte envers une société le 2 juin 2016. Une nouvelle audience avait été convoquée le 15 septembre 2016 "pour qu’il soit statué conformément aux dispositions de l’article L. 631-15 du code de commerce sur la poursuite de la période d’observation". La société n’avait alors pas comparu. L’administrateur judiciaire ayant demandé la conversion du redressement en liquidation judiciaire, le tribunal avait prononcé la liquidation de la société X… par jugement du 6 octobre 2016 et fixé à douze mois le délai d’établissement de la liste des créances au terme duquel la clôture de la procédure devrait être examinée.

La Cour d’appel avait dans un premier temps considéré ce jugement entaché de nullité, le juge-commissaire ayant "pu faire connaître son avis au tribunal, mais dans une forme non conforme, ce qui équivaut à une absence d’avis". Mais, retenant que la saisine du tribunal était régulière – la société ayant été convoquée à l’audience du 15 septembre 2016 par le renvoi opéré par le dispositif du jugement du 2 juin 2016 et informée de son objet par la mention de l’article L. 631-15 du code de commerce qui s’y trouvait –, la cour a considéré que, en dépit de l’annulation du jugement faute d’avis du juge-commissaire, elle devait statuer au fond sans renvoyer aux premiers juges ; estimant alors que le redressement de la société X… était manifestement impossible, elle a prononcé la liquidation judiciaire de cette dernière (CA Montpellier, 2e ch., 12 sept. 2017, n° 16/07674, Lamyline).

C’est contre cet arrêt que la société s’est pourvue.

Question de droit :

Un jugement de conversion peut-il être prononcé sans que la société débitrice ait été régulièrement convoquée à l’audience ?

Attendu de principe :

«Qu'en statuant ainsi, alors que la mention, dans le jugement de renvoi du 2 juin 2016, du rappel de l'affaire à une audience ultérieure et l'indication, dans ce jugement, que le tribunal pourrait, au cours de cette nouvelle audience, statuer sur la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ne constituaient pas une convocation régulière de la société débitrice, laquelle avait conclu, à titre principal, à l'annulation du jugement de conversion pour ce motif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Enseignement n°1 :

Une procédure de redressement peut faire l’objet d’une conversion en liquidation judiciaire lorsqu’au cours ou à l’issue de celle-ci, il apparait que le redressement de la société débitrice est impossible (Com., 28 février 2018, n°16-19422).  L’article L.631-15, II du code de commerce indique aussi que la conversion peut intervenir à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office.

Enseignement n°2 :

En ce qui concerne, les contraintes procédurales, la Cour de cassation avait déjà eu l’opportunité de clarifier un certain nombre de points (Com. 20 juin 2018, n°17-13204). Elle avait indiqué, dans cet arrêt, qu’il résultait de la combinaison des articles L. 631-15, II, R. 631-24, alinéa 1er, et R. 631-3 du Code de commerce, que, lorsqu’il n’est pas saisi par voie de requête, le tribunal qui entend exercer d’office son pouvoir de conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire, doit, à moins que les parties intéressées n’aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, faire convoquer le débiteur à comparaître dans le délai qu'il fixe, à la diligence du greffier, par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à laquelle est jointe une note exposant les faits de nature à motiver l’exercice par le tribunal de ce pouvoir.

Ainsi, la convocation régulière à l’audience pour examen du plan, la comparution du représentant de la débitrice, ou la demande de conversion formée à l’audience par les organes de la procédure ou le ministère public, ne peuvent suppléer à l’absence d’invitation préalable faite aux parties de présenter leurs observations, ou de convocation en vue de la conversion d’office du redressement en liquidation judiciaire dans les formes prévues par l’article R. 631-3 du Code de commerce, sans le respect desquelles la saisine d’office est irrégulière.

Enseignement n°3 :

En l’espèce, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel dans son ensemble et indique que la convocation envoyée à la société n’était pas régulière. De fait, elle annule le jugement de conversion de cette dernière.