La Cour de cassation vient de reconnaitre la compétence de la juridiction judiciaire pour connaitre de la résolution d’un bail commercial établi sur le domaine privé d’une personne publique (Civ 1ère, 4 juillet 2019, n°18-20.842).

 

Faits :

Une commune avait conclu avec une société un bail commercial portant sur un immeuble appartenant au domaine privé de cette commune. Suite à l’effondrement d’une voie d’accès, le preneur a sollicité la résolution du bail en raison du manquement du bailleur à son obligation de délivrance.

Les gérants de la société ont saisi la juridiction judiciaire afin d’obtenir la résolution du bail (i) ainsi que des dommages et intérêts (ii). La commune a soulevé l’incompétence de la juridiction judiciaire pour connaitre de cette affaire.

Le TGI ainsi que la Cour d’appel de Toulouse ont rejeté cette exception d’incompétence. La commune s’est donc pourvue en cassation.

Question de droit :

La juridiction judiciaire est-elle compétente pour connaitre de l’action en résolution engagée par un preneur lorsque l’immeuble est situé sur le domaine privé de l’administration ?

Considérant de principe :

« Mais attendu qu'aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée ; que cette obligation légale lui impose de délivrer un local conforme à la destination contractuelle ; que, dès lors, c'est à bon droit et sans avoir à procéder aux recherches visées par les deux premières branches du moyen, qu'après avoir relevé que l'action engagée par la société tendait à voir sanctionner la violation, par la commune, de son obligation de délivrance, en raison de l'impossibilité d'accéder aux locaux loués, la cour d'appel a retenu que le litige avait pour objet la résolution d'un contrat de bail portant sur un immeuble dépendant du domaine privé et dépourvu de clause exorbitante du droit commun et relevait, par suite, de la compétence de la juridiction judiciaire ; que le moyen n'est pas fondé ; »

Enseignement n°1 :

A titre liminaire, il convient de rappeler que si la conclusion d’un bail commercial sur le domaine privé d’une administration ne pose guère de problème, ce n’est que récemment que le législateur a introduit la possibilité de conclure ce type de contrat sur le domaine public. Désormais codifié à l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), issu de la loi Pinel du 18 juin 2014, les personnes publics disposent donc de la possibilité de conclure ces contrats sur le domaine public. Il s’agit d’un outil de valorisation mis au service des personnes publiques.

Enseignement n°2 :

En ce qui concerne les baux conclus sur le domaine privé, la juridiction varie selon que le contrat de bail contient ou non des clauses exorbitantes de droit commun. Selon le Conseil d’État (CE, 20 octobre 1950, Stein) constitue une telle clause, celle « ayant pour objet de conférer aux parties des droits ou de mettre à leur charge des obligations, étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d'être librement consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales ». Il s’agit donc de clauses étrangères aux relations contractuelles de droit privé.

Enseignement n°3 :

En l’espèce, afin de soutenir la compétence de juridiction administrative, la commune relevait que l’entretien du chemin d’accès à l’immeuble -clause contenue dans le bail- constituait une clause exorbitante de droit commun. Face à ce moyen pour le moins scabreux, la Cour de cassation a justement déduit que le bail ne contenait aucune clause exorbitante. Partant, la juridiction compétente était donc bien la juridiction judiciaire.