La Cour de cassation relève dans un arrêt du 7 mai 2019 (n°17-16675) que des associés qui se sont engagés dans un pacte à ce qu'un cosignataire du pacte conserve une certaine part du capital jusqu'à sa sortie de la société commettent une faute à son égard en votant en faveur d'une réduction du capital à zéro suivie d'une augmentation de capital (coup d'accordéon).

Faits :

Un cédant d’un fonds de commerce prend une participation minoritaire dans le capital de la société et conclut un pacte d'actionnaires avec les actionnaires majoritaires par lequel ceux-ci s'engagent à ce que le minoritaire conserve au moins 25 % du capital social jusqu'à sa sortie de la société (clause de non-dilution).

Trois ans plus tard, une AG décidé de procéder à une réduction à zéro du capital par annulation de la totalité des actions puis à une augmentation de celui-ci. Le minoritaire, qui ne souscrit pas à l'augmentation, estime que cette opération méconnaît la clause de non-dilution et demande réparation de son préjudice aux majoritaires.

La cour d’appel rejette les demandes de l’actionnaire minoritaire car la société allait se trouver en état de cessation des paiements et relève que la consommation de l'intégralité de ses fonds propres supposait un choix entre :

  • la déclaration à brève échéance de la cessation de paiement ou le placement immédiat sous le régime de la sauvegarde ;
  • le concours d'apports des actionnaires refusé par le cédant ou par l'intermédiaire d'une augmentation du capital ;
  • la réalisation d'un coup d'accordéon pour mettre à néant l'endettement et disposer à nouveau de fonds propres.

La cour d’appel retient également que les capitaux propres de la société étaient descendus au jour de la réduction du capital à un niveau inférieur à la moitié du capital social, obligeant la société à prendre les mesures nécessaires, que la lettre du pacte d'associés protégeait uniquement le cédant d'une dilution, et qu'il ne peut se prévaloir de ce pacte qui ne lui interdisait pas de souscrire préférentiellement à l'augmentation de capital.

C’est contre cette décision que le cédant se pourvoit.

Attendu de principe :

« Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de la clause de non-dilution, encore applicable selon ses constatations, que M. Y... ne pouvait voir sa participation dans le capital de la société Aquasolo réduite en dessous du seuil de 25% avant sa sortie de la société dans les conditions prévues par le pacte d'associés, de sorte qu'en approuvant, le 7 décembre 2009, la réduction du capital à zéro qui mettait fin à sa participation au capital de la société du fait de l'annulation consécutive de ses actions, sans avoir mis en œuvre, au préalable, la sortie de M. Y... du capital de la société Aquasolo, par l'exécution, au prix fixé par le pacte, de la promesse de vente en vigueur à cette date, le groupe majoritaire avait méconnu l'obligation conventionnelle de non-dilution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »

Enseignement n°1 :

Il convient tout d’abord de rappeler le principe du coup d’accordéon. Il s’agit d’une technique financière qui a pour effet d’apurer le passif d’une société. Cette procédure se déroule en deux temps :

  • une réduction du capital
  • une augmentation du capital

Cette technique a été reconnue pour la première fois par la Cour de cassation dans deux arrêts du 17 mai 1994 (n°91-21.364).

Enseignement n°2 :

Pour contrer cette pratique qui peut amener à une diminution de la participation dans une société, un associé peut inclure une clause anti-dilution qui aura pour effet d’empêcher cette baisse de participation. Cette pratique est donc à manier avec prudence de la part des associés qui seraient tentés de l’utiliser. En effet, les juridictions n’hésitent pas à condamner à des dommages et intérêts les associés qui seraient responsables de la mise en œuvre de cette technique. Ainsi, il a été fait droit à une demande de dommages-intérêts formée par un associé qui, évincé de la société par un coup d'accordéon, invoquait la violation du pacte lui accordant un droit au maintien de sa participation dans le capital social et le droit de souscrire aux augmentations de capital ; ses coassociés, qui avaient voté en faveur de la réduction de capital et qui avaient réservé à un tiers le droit de souscrire à l'augmentation litigieuse, soutenaient à tort que ce droit n'était plus applicable au jour de cette augmentation puisque, en raison de la réduction à zéro, aucun associé ne détenait plus de titre de la société.

Inversement, la cour d'appel de Paris a jugé au contraire que le coup d'accordéon ne peut s'analyser qu'en une opération unique ; la réduction du capital à zéro s'étant faite sous la condition suspensive de l'augmentation subséquente, c'est au moment où celle-ci avait été votée que la réduction du capital avait été réalisée. Il en résulte que l'associé évincé détenait encore des actions au moment de l'augmentation du capital et qu'il avait donc le droit d'y souscrire (Paris,27 mars 2014, n° 13/06816)

 

 

Enseignement n°3 :

La décision de la Cour de cassation censure le raisonnement de la Cour d’appel, qui ne manque d’étonner. En effet, les juges du quai de l’horloge relèvent, à bon droit, que le minoritaire ne pouvait voir sa participation réduite à moins de 25 % avant sa sortie de la société, de sorte qu’en approuvant la réduction du capital à zéro, qui mettait fin à sa participation au capital du fait de l’annulation consécutive de ses actions, sans avoir préalablement mis en œuvre cette sortie, les majoritaires avaient méconnu la clause de non-dilution.