Dans sa décision du 19 juin 2019 (n°18-12.292), la Cour de cassation indique que le courtage de médicaments est une activité qui contrevient au monopole des pharmaciens. Partant cette activité est illicite.

Faits et procédure :

La société Doctipharma a conçu un site internet sur lequel les internautes peuvent acquérir, à partir de sites d’officines de pharmacies, des produits parapharmaceutiques et des médicaments sans ordonnance. Il ne s’agit pas d’un site de vente en ligne à proprement parler, mais de courtage, l’exploitant du site procédant en réalité à une mise en relation entre les pharmaciens référencés et les clients finaux.

L’association Union des groupements de pharmaciens d’officine (UDGPO) l’a assignée ainsi que l’hébergeur du site, en constatation du caractère illicite de ce site pour la vente de médicaments, et en cessation, sous astreinte, des activités de vente, d’hébergement des données ainsi que de publication des pages le proposant, et a demandé que ces décisions soient assorties de mesures de publicité judiciaire.

Les premiers juges ont fait droit aux demandes de l’UDGPO et ont ordonné, sous astreinte, la publication de la décision d’interdiction de commercialisation sur le site internet de la société Doctipharma, et ont autorisé cette publication dans des revues professionnelles à ses frais. Mais le jugement a été réformé en appel, la cour d’appel de Versailles ayant considéré que cette société est un simple intermédiaire et en rien un vendeur, de telle sorte qu’il ne viole pas le monopole des pharmaciens. La cour d’appel considère, en effet, que les commandes de médicaments par les internautes, qui transitent seulement par la plateforme créée par la société Doctipharma en tant que support technique des sites des pharmaciens d’officine, sont reçues et traitées par les pharmaciens eux-mêmes, sans que cette société intervienne autrement dans leur traitement, puisque le site litigieux permet de mettre directement en contact des clients et des pharmaciens d’officine. Dès lors, le site internet est licite.

C’est contre cette décision que la société Doctipharma s’est pourvue.

 

Considérant de principe :

« est interdite la vente au public de tous médicaments, produits et objets mentionnés à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique par l’intermédiaire de personnes non titulaires d’un diplôme de pharmacien, et qu’il est aussi interdit aux pharmaciens de recevoir des commandes de ces mêmes produits par l’entremise habituelle de courtiers ou d’intermédiaires, la cour d’appel, qui a relevé que l’activité que la société Doctipharma exerçait sur son site consistait, notamment, à mettre en relation des pharmaciens et des clients pour la vente de médicaments, ce dont il résultait qu’elle avait un rôle d’intermédiaire entre eux et participait de la sorte au commerce électronique de vente de médicaments bien que n’étant pas pharmacien, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés »

Apport de la décision

 Les pharmaciens d’officine bénéficient du monopole de la préparation des médicaments et autres préparations ainsi que de leurs cessions au titre de l’article L.4211-1 du code de la santé publique.

Toutefois, ce monopole tend à se fissurer sous la pression exercée par le Conseil d’État en particulier. Il a validé la préparation des commandes de vente en ligne de médicaments dans un lieu de stockage extérieur à l’officine, à condition que ce local se situe à proximité immédiate de l’officine (CE, 26 mars 2018, n° 407289). Il a toutefois jugé qu’un local situé à quelques kilomètres (3,6 exactement) de l’officine ne peut être regardé comme à proximité immédiate de celle-ci (même décision).

Dans cette décision, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel au visa des articles L.5125-25 et L.5125-26 du code de la santé publique. Elle fait grief aux juges du fond de ne pas avoir pris en compte ces dispositions qui prohibent les activités d’intermédiation en matière de médicaments, peu important que le vendeur, dont elle favorise le rapprochement avec l’acheteur, soit lui-même un pharmacien d’officine. Les juges du quai de l’horloge considèrent que la plateforme « participe de la vente de médicaments » sans être pharmacien et que cela suffit à rendre le site internet qu’elle exploite illicite.

 

Le cabinet Mogenier intervient sur toutes les problématiques afférentes aux professions réglementées.