Dans cette décision, la Cour de cassation indique qu’en cas de fraude un créancier n’ayant pas déclaré sa créance dans les temps est autorisé à reprendre ses actions individuelles à l’encontre du débiteur dont la liquidation judiciaire a été prononcée pour insuffisance d’actifs.

Faits et procédure :

Une personne physique a consenti un prêt à un entrepreneur individuel, qui a été mis en liquidation judiciaire le 13 février 2014. Le prêteur a assigné le débiteur en février 2016 afin d’obtenir le remboursement de la créance détenue. 15 jours avant l’audience, le débiteur a informé son créancier de l’existence de cette procédure collective. Le créancier a donc demandé a pouvoir reprendre, après la clôture de la procédure collective, son action individuelle.

La Cour d’appel relevant le comportement frauduleux du débiteur lui a donné raison. Elle avait considéré que le créancier avait pu ne pas être informé de la procédure collective qui affectait son débiteur. C’est contre cette décision que le débiteur se pourvoit.

Dans son pourvoi, le débiteur contestait la faculté de son créancier à poursuivre son action puisqu’il n’avait pas déclaré sa créance au passif. En effet, selon lui, le jugement de clôture de la liquidation pour insuffisance d’actif n’a pour effet de faire recouvrer aux créanciers négligents leurs droits.

Considérant de principe :

« Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, en cas de fraude à l'égard d'un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier contre le débiteur ; que, selon l'article L. 643-11, V, alinéa 2, du même code, les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes, qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n'ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles ; que le moyen, en sa première branche, repose donc sur un postulat erroné ;

Et attendu, d'autre part, que la fraude prévue à l'article L. 643-11, IV, du code de commerce n'impose pas que soit établie l'intention du débiteur de nuire au créancier ; que la cour d'appel a relevé que M. Y... se savait débiteur à l'égard de M. O... compte tenu d'une reconnaissance de dette qu'il avait souscrite le 1er juillet 2011, qu'il avait reçu une première demande de remboursement dès le mois de décembre 2014, qu'il avait fait la promesse de rembourser au plus tard en avril 2015 sans procéder au remboursement prévu, bien que s'étant vu rappeler à plusieurs reprises son obligation, que c'est seulement à la suite de son assignation qu'il avait informé M. O... de la procédure de liquidation dont il faisait l'objet depuis le 13 février 2014 et qu'il avait ainsi dissimulé de façon déloyale sa véritable situation tant à ce dernier qu'au liquidateur puisqu'il n'avait pas fait apparaître ce créancier sur la liste des créanciers ; qu'en l'état de ces constatations souveraines, dont elle a déduit que M. Y... avait commis une fraude à l'égard de M. O..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; »

Apport de la décision

L’article L.643-11 IV du code de commerce indique :

« III.-Les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle dans les cas suivants :

1° La faillite personnelle du débiteur a été prononcée ;

2° Le débiteur a été reconnu coupable de banqueroute ;

Le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ou une personne morale dont il a été le dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif moins de cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle il est soumis ainsi que le débiteur qui, au cours des cinq années précédant cette date, a bénéficié des dispositions de l'article L. 645-11 ;

4° La procédure a été ouverte en tant que procédure territoriale au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité ou au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d'insolvabilité. »

La liquidation pour insuffisance d’actifs constitue l’un des situations dans laquelle un créancier se voit autoriser à poursuivre son action individuelle à l’encontre de son débiteur.

En fondant son raisonnement sur cet article, la Cour de cassation relève donc qu’en cas de fraude, le créancier qui n’a pas déclaré sa créance au passif est autorisé à reprendre ses actions individuelles.

En l’espèce, la Cour de cassation indique que la fraude ne consiste pas forcément en l’intention du débiteur de nuire à son créancier. La fraude est ici assimilée à de la mauvaise foi ou à de la négligence de la part de débiteur qui savait qu’il devait rembourser sa dette et n’a pas informé son créancier de la procédure collective qui frappait son entreprise.

Le créancier est donc autorisé à poursuivre son action.

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