Professionnel diplômé, ayant en charge la protection des intérêts des entreprises, de leurs contractants et des tiers par le biais de ses missions de contrôle et de certification des comptes, le CAC est responsable de ses fautes, à différents titres. La responsabilité du CAC est susceptible d’être engagée sous quatre volets différents :

  • Responsabilité civile ;
  • Responsabilité pénale ;
  • Responsabilité disciplinaire ;
  • Responsabilité administrative ;

 

  • La responsabilité civile du CAC

La mise en cause de la responsabilité d’un CAC répond au triptyque traditionnel :  en premier lieu, l'existence d'une faute imputable au CAC, en second lieu, l'existence d'un préjudice subi par celui qui se prétend victime, et en troisième lieu, l'existence d'un lien de causalité entre la faute imputable au CAC et le préjudice prétendument subi par la victime, sous la réserve que le CAC ne puisse s'exonérer de sa responsabilité.

Il s’agit d’une responsabilité pour faute, qui est visée à l’article L.822-17 du code de commerce, qui est une extension de la responsabilité prévue à l’article 1240 du code civil. C’est une responsabilité personnelle car il ne saurait répondre des fautes commises par autrui. Cependant, cette responsabilité personnelle connait un certain nombre de tempéraments. En effet, le CAC répond bien entendu des personnes qui l’assistent.

Cette responsabilité peut aussi être solidairement partagée avec une autre personne (CA Douai, 30 mars 1905, Journ soc. 1905. 500). S'il est impossible d'évaluer la part de chacun dans la réalisation du préjudice, une responsabilité solidaire demeure possible. Tel est le cas lorsque la faute du CAC est inextricablement liée à celle d'un dirigeant, d'un associé, d'un salarié ou d'un tiers. C’est à ce titre que l’article L. 210-8 alinéa 2 du code de commerce indique que :

« Les fondateurs de la société, ainsi que les premiers membres des organes de gestion, d'administration, de direction et de surveillance sont solidairement responsables du préjudice causé par le défaut d'une mention obligatoire dans les statuts ainsi que par l'omission ou l'accomplissement irrégulier d'une formalité prescrite par la loi et les règlements pour la constitution de la société.

Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables en cas de modification des statuts, aux membres des organes de gestion, d'administration, de direction, de surveillance et de contrôle, en fonction lors de ladite modification.

L'action se prescrit par dix ans à compter de l'accomplissement de l'une ou l'autre, selon le cas, des formalités visées au quatrième alinéa de l'article L. 210-7. »

Le CAC est débiteur d’une obligation de moyens (CA Amiens, ch. réunies, 8 sept. 2003, Bull. CNCC no 131, 2005, note Ph. Merle), les normes professionnelles consacrent d’ailleurs cette solution (Norme CNCC 1-200, Dispositions liées aux caractéristiques des missions, § a).

De manière générale, la responsabilité du CAC sera retenue lorsque :

  • Il n’aura pas effectué les contrôles et les vérifications suffisantes ;
  • Il aura commis une faute dans le cadre des opérations de certification des comptes ;
  • Il aura manqué à son obligation d’informer correctement des observations et commentaires sur les comptes de l’entreprise ;
  • Il aura manqué à son obligation de signaler les inexactitudes et irrégularités affectant les comptes de l’entreprise et de manière générale toutes les infractions dont il aurait connaissance
  • Il aura manqué à son obligation de présenter un rapport spécial sur les conventions réglementées dont il a eu connaissance ;
  • Il aura manqué à son obligation de déclencher l’alerte ;
  • Il aura manqué à son obligation de convoquer l’assemblée des actionnaires en cas de carence des organes de direction.

De manière exceptionnelle, la responsabilité du CAC pourra être de résultats (Civ. 1re, 16 févr. 1988, Bull. civ. I, no 42, RTD civ. 1988. 767, obs. P. Jourdain), et dans les circonstances suivantes :

  • vérification des règles relatives aux actions dont doivent être propriétaires les administrateurs et les membres du conseil de surveillance ;
  • du contrôle de la régularité des modifications statutaires dans les sociétés commerciales;
  • de la certification exacte du montant global des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées (CA Bordeaux, 7 mars 1990, Dr sociétés 1991, n 225, RJ com. 1991, n 1317, p. 215 et s., note C. Goyet) ;
  • de l'établissement d'un rapport sur les conventions réglementées passées par les dirigeants avec la société;
  • de la convocation des organes de direction et de l'assemblée lorsque les dirigeants sont en état de carence ou dans le cadre de sa mission d'alerte ;
  • de l'information des organes de direction et de l'assemblée concernant leur programme général de travail ainsi que les différents sondages auxquels ils ont procédé;
  • de l'information des organes de direction et de l'assemblée en cas de constatation d'irrégularités ou d'inexactitudes (CA Orléans, 18 déc. 1990, Rev. jur. Centre Ouest 1992. 182, note G.-J. Nana);
  • de l'information des organes de direction et de l'assemblée en cas de constatation de faits délictueux (CA Dijon, 27 nov. 1985, Bull. CNCC n 62, 1985),
  • de l'information des organes de direction et de l'assemblée en cas de modifications intervenues dans la présentation des comptes ou les méthodes d'évaluation.

Concernant la prescription des actions civiles à l’encontre des CAC, elle est de trois ans à compter de la réalisation du fait dommageable ou de sa révélation. Toutefois, dans certaines circonstances, une prescription quinquennale, lorsque la faute est détachable des fonctions, voire décennale pourra être opposée au CAC.

Il est à noter, enfin, que le principe selon lequel le criminel a autorité de chose jugée sur le civil a un caractère absolu qui signifie que lorsqu'une juridiction pénale de jugement a statué sur l'existence d'un fait servant de base commune à l'action pénale et à l'action civile contre le CAC, sa décision s'impose pour statuer sur l'action civile.

  • La responsabilité pénale du CAC

Les commissaires aux comptes peuvent être convaincus d'infractions pénales de droit commun. Vont alors s'appliquer à leur encontre les sanctions de vol, d'escroquerie, d'abus de confiance, d'usage de faux, de délit d'initié, de divulgation d'informations financières, ou d'intoxication boursière par laquelle ils diffusent de fausses informations sur les perspectives ou la situation d'un émetteur de titres réglementés sur un marché négocié de nature à agir sur les cours.

Les CAC peuvent, bien entendu, être aussi complices d’une infraction. Cela suppose une action positive de sa part. Néanmoins, dans certaines circonstances, des juridictions ont retenu la complicité du CAC à raison de son caractère passif (Crim. 25 févr. 2004, Bull. Joly 2004. 763, note J.-F. Barbieri, RTD com. 2004. 625).

Si la responsabilité pénale s’applique aux infractions de droit commun, certaines infractions sont spécifiques à la profession de CAC. C’est le cas de la violation du secret professionnel, la communication d’informations mensongères, la non-révélation de faits délictueux, la non-révélation d’informations en matière de blanchiment de capitaux, le défaut d’information sur l’identité des détenteurs de participations significatives, la communication d’informations inexactes sur la suppression du droit préférentiel de souscription, ainsi que la représentation des obligataires.

  • La responsabilité disciplinaire du CAC

A titre liminaire, il convient de préciser que les instances disciplinaires sont indépendantes des instances judiciaires. En cas de poursuite pénale, les instances disciplinaires n'ont pas à surseoir à statuer. L'issue de la procédure devant l'instance disciplinaire est sans incidence sur la procédure pénale. Inversement, l'issue de la procédure devant l'instance pénale est sans incidence sur la procédure disciplinaire. Un acquittement ou une relaxe prononcé par une juridiction pénale ne fait donc pas obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité disciplinaire du CAC en cause.

La profession est dotée d'une procédure disciplinaire depuis un décret du 29 juin 1936, pris en application du décret-loi du 8 août 1935. Le code de déontologie, annexé au décret n° 2005-1412 du 16 novembre 2005, ainsi que les articles L. 822-9 et suivants du code de commerce relatifs à l'indépendance et à la déontologie, servent de support à l'appréciation des fautes.

Eu égard à l’intérêt public s’attachant aux missions du CAC, les instances disciplinaires sont depuis le décret de 2005 extérieures à la profession. L’article L.822-6 du code de commerce indique que :

« La commission régionale d'inscription, constituée en chambre régionale de discipline, connaît de l'action disciplinaire intentée contre un CAC membre d'une compagnie régionale, quel que soit le lieu où les faits qui lui sont reprochés ont été commis. »

En appel, c’est le Haut Conseil du commissariat aux comptes qui est compétent pour connaitre de plaintes disciplinaires. L'article L. 822-7 du code de commerce indique que « la chambre régionale de discipline peut être saisie par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, le procureur de la République, le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes ou le président de la compagnie régionale. Outre les personnes déterminées par décret en Conseil d'État, le président de l'Autorité des marchés financiers peut saisir le procureur général aux fins d'exercice de l'action disciplinaire ».

Les plaintes sont donc à adresser soit au procureur général soit au conseil régional. À la demande du magistrat chargé du ministère public, le dossier est instruit par un syndic élu au sein de l'instance régionale. Ce syndic transmet alors un rapport au magistrat chargé du Ministère public dans un délai de deux mois suivant sa saisine. Si le magistrat estime que les faits constituent une faute disciplinaire, il saisit la chambre régionale de discipline. Le CAC reçoit alors une citation à comparaitre. Un rapporteur est alors désigné afin d’exposer les faits. Dès réception de la citation à comparaître, afin de respecter les droits de la défense, le CAC peut prendre connaissance de son dossier et se faire assister par un CAC et un avocat. Seul son avocat peut se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces du dossier pour l'usage exclusif de la procédure disciplinaire.

La décision de sanction ou de relaxe est prise à la majorité de ses membres. Elle doit être motivée. Le CAC, ainsi que le président de la Compagnie nationale et le président de la compagnie régionale peuvent ainsi faire appel de la décision rendue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétaire du Haut Conseil du commissariat aux comptes.

Si un appel est interjeté, le CAC est alors convoqué devant le Haut Conseil du commissariat aux comptes par le magistrat chargé du ministère public auprès de ce Conseil, quinze jours au moins avant l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Enfin, dernière étape, les décisions rendues par le H3C peuvent être déférées à la censure du Conseil d’État.

En vertu de l'article L. 822-8 du code de commerce, les sanctions disciplinaires sont : l'avertissement, le blâme, l'interdiction temporaire pour une durée n'excédant pas cinq ans, la radiation de la liste et, éventuellement, le retrait de l'honorariat.

Le délai de prescription de l’action disciplinaire est de dix ans.

  • Responsabilité administrative du CAC

Les CAC qui exercent leurs activités au sein de sociétés faisant appel public à l'épargne sont passibles de sanctions administratives prononcées par l'Autorité des marchés financiers, en application des articles L. 621-14 et L. 621-15-II du code monétaire et financier et du règlement général de l'AMF. Ainsi, le CAC associé dans la société de commissaires aux comptes titulaire du mandat est passible, à titre personnel, de sanctions administratives dès lors qu'il a délivré des informations inexactes lors de la publication et de la certification des comptes. Deux arrêts de la Cour de cassation viennent confirmer cette affirmation (Com. 11 juill. 2006, n° 05-18.528 et 05-18.337)