La condamnation de deux sociétés du groupe Amazon (T.com. Paris, 2 septembre 2019, n°2017/050625) pour déséquilibre significatif nous donne l’occasion de revenir sur la notion de déséquilibre significatif.

 

Notion de déséquilibre significatif

La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a introduit un article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce (devenu l’art. L. 442-1, 2°), lequel permet de sanctionner les clauses abusives entre professionnels.  Ce déséquilibre significatif peut être invoqué par tout « partenaire commercial » qui contracte avec un producteur, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers.

 

Clauses susceptibles d’être remises en causes

A la différence des pratiques condamnées en droit de la consommation, en droit de la concurrence aucune liste n’est dressée pour établir les clauses considérées comme déséquilibrées.  C'est donc au juge de se prononcer et de contrôler l'équilibre contractuel. Le déséquilibre significatif doit faire l’objet d’une analyse globale et concrète du contrat. Par deux arrêts rendus le 3 mars 2015 dans les affaires Eurauchan et Provera, la Cour de cassation a prôné une appréciation des clauses dans leur contexte, au regard de l’économie générale du contrat.

 

Soumission du partenaire le plus faible du contrat

Pour qu’il y ait déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-1, 2° du code de commerce, il faut l’existence d’un nécessaire rapport de force. Le partenaire doit soumettre ou tenter de soumettre l’autre à des obligations qui sont significativement déséquilibrées dans les droits et obligations des parties. Cette notion a été identifiée par la Cour d’appel de Paris au fait « d’imposer » ou tenter d’imposer ou encore de « faire peser ou tenter de faire peser sur un partenaire commercial, du fait du déséquilibre du rapport de force existant entre les parties, des obligations injustifiées et non réciproques ». Cette notion, qui caractérise l’élément moral du comportement sanctionné, ne s’identifie pas à une contrainte irrésistible et ne requiert pas nécessairement l’existence de pressions sur le partenaire faible.

 

Obligations créatrices d’un déséquilibre significatif

C’est l’absence de contrepartie ou la contrepartie disproportionnée ou l’absence de réciprocité des dispositions contestées qui constituent les critères décisifs en vue d’appréhender la notion de déséquilibre significatif (et qui constituent une preuve du déséquilibre). Ont donc été considérés comme constituant des clauses illicites :

Clause de révision de prix. Une clause unilatérale de révision des prix a été considérée comme abusive (Com. 3 mars 2015, n° 13-27.525). De même, une clause pénale peut être déséquilibrée dès lors qu'elle est unilatérale (Com. 27 mai 2015, n° 14-11.387).

Clause prévoyant des conditions de règlement dissymétriques. La cour d'appel de Paris a condamné le délai de paiement à trente jours stipulé par le distributeur pour le règlement des factures de services propres à favoriser la commercialisation des produits lorsque, dans le même temps, « le paiement des marchandises aux fournisseurs a lieu à 30, 45, 50 ou 60 jours » (Paris, 18 déc. 2013, n° 12/00150).

Clauses de mise à la charge du distributeur des risques de l'activité. Ces clauses ont fait l'objet d'une analyse par la jurisprudence et, telles qu'elles étaient rédigées, ont été jugées abusives.

Clause de résiliation pour sous-performance. La jurisprudence a également considéré comme

constitutive d'un  déséquilibre significatif  les clauses prévoyant que la sous-performance du produit par rapport aux objectifs fixés d'un commun accord entre les parties et/ou aux résultats annoncés par le fournisseur serait constitutive d'une inexécution fautive.

Clause inhabituelle dans le secteur d'activité. Une clause, même unilatérale, si elle est habituelle, ne sera pas sanctionnée (Paris, 12 déc. 2013, n° 11/18274).

Effets de la clause

La nullité de la clause déséquilibrée prévoyant un avantage disproportionné peut-être ordonnée si elle est réclamée par le ministre de l'Économie ou le ministère public. Le ministre peut aussi demander la cessation des pratiques litigieuses pour l'avenir, voire le prononcé d'une amende.

La victime peut demander la réparation de son préjudice en engageant la responsabilité de celui auquel est imputable un déséquilibre significatif. Ainsi, la victime pourra se voir octroyer des dommages-intérêts.

La Commission d'examen des pratiques commerciales a affirmé que le cumul d'une action en réparation et d'une action en nullité était possible (CEPC, 23 janv. 2014, avis n°14-02).

Enfin, il est discuté de savoir si la nullité peut être invoquée par la victime. Plutôt que de prononcer la nullité, des juridictions ont considéré que la clause était réputée non écrite.

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