Par une décision du 7 mars 2019, la Cour de cassation vient de préciser que la réalisation d’un diagnostic de pollution des sols erroné constitue une faute d’imprudence. Cependant, le bureau d’études bénéficie d’une exonération de sa responsabilité en cas de faute de la part de la victime.

Faits et procédure :

En 2002, un contrat de bail à construction est conclu entre la commune de Nice et à la société Saint-Roch sur un ancien site de stockage d’hydrocarbures. La société s’est engagée à édifier sur le site un centre commercial de l’enseigne Leclerc.

Auparavant la société Saint-Roch avait confié à la société Sol-essais le soin de réaliser une étude de sol sur le site. La mission comprenait la « reconnaissance de sol et l'étude préliminaire », ainsi que « la réalisation de huit essais de pénétration statique lourde à une profondeur estimée à dix mètres et un forage destructif avec enregistrement des paramètres descendu également à dix mètres permettant la mise en place d'un tube piézométrique de huit mètres de hauteur destiné à évaluer le niveau des circulations d'eaux souterraines et de leurs fluctuations éventuelles ».

Eu égard aux résultats de l’étude, la société Sol-essais avait proposé la réalisation d’une  étude complémentaire consistant dans le prélèvement, d'une part, d'un échantillon d'eau et, d'autre part, d'un échantillon de sols, destinés à être analysés en laboratoire pour évaluation de la teneur en hydrocarbures. Cette proposition avait été acceptée par la société Saint-Roch.

En 1997, la société Sol-essais avait rendu un rapport définitif indiquant que la teneur en hydrocarbures était conforme aux normes applicables. Mais au cours du mois de juin 2002, des travaux de terrassements ont révélé des émanations d’hydrocarbures. La société Saint-Roch a fait procéder à un diagnostic de pollution des sols par une autre société. Celle-ci a conclu dans un rapport définitif en date d'octobre 2002 à l'existence d'une pollution des sols par des hydrocarbures, et à la nécessité d'évacuer les terres excavées vers des filières spécialisées et de mettre en place un complexe d'étanchéité et de drainage de gaz.

C’est dans ces conditions que la société Saint-Roch a assigné la société Sol-essais, ainsi que TOTAL, la SNCF et Esso.

Considérant de principe :

« Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la mission confiée à la société Sol essais était une mission de reconnaissance des sols en vue de la faisabilité géotechnique du projet, conduite par un ingénieur spécialiste en mécanique des sols, et non une mission spécifique de diagnostic du degré de pollution de la nappe phréatique et du sol, que les deux interventions complémentaires consistant dans le prélèvement d'un échantillon d'eau et d'un échantillon de sol étaient insuffisantes à cet égard, qu'à l'époque de l'étude de la société Sol essais, les terrains propriété de la SNCF, source principale de la pollution, clôturés et inaccessibles, n'avaient pas encore été cédés à la commune de Nice et que ce n'est qu'en cours de chantier, après avoir découvert la présence souterraine d'hydrocarbures que la SCA [...] avait demandé à un bureau d'études qualifié à cet effet un véritable diagnostic de pollution et une étude détaillée des moyens de traitement appropriés, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que, si la société Sol essais avait fait preuve d'imprudence en se prononçant dans une matière ne relevant pas de sa spécialité et sur la base de recherches insuffisantes, les propres fautes de la SCA [...], qui n'avait pas fait réaliser des études complètes et fiables prévues par la réglementation en vigueur avant 2002, préalablement à la conception et à l'exécution de travaux de construction, impliquant un changement d'affectation, sur des terrains industriels dont elle connaissait l'ancien usage de stockage de produits pétroliers, avaient pleinement contribué à la réalisation du préjudice qu'elle soutenait avoir subi à raison des travaux de dépollution ; »

Apport de la décision

Tout d’abord, la Cour de cassation rejette l’argument de la société Saint-Roch tendant à soutenir que la responsabilité du bureau d’études était une obligation de moyen renforcée comme pour l’amiante. Selon, la demanderesse, le bureau d’études aurait dû déployer les efforts nécessaires à la détection de la pollution, sans se contenter, par exemple, de contrôler les seuls endroits indiqués par le maître d'ouvrage.

Selon la Cour, le fait de s'être prononcé sur la base de recherches insuffisantes et dans une matière qui ne relevait pas de sa propre spécialité (il s'agissait d'un bureau d'études géotechniques) constitue une simple faute d'« imprudence » qui n'engage pas la responsabilité du bureau d'études

Ensuite, la Cour de cassation indique que le bureau d'études avait été consulté pour une mission de type G11 selon la norme NF p. 94-500, correspondant à une étude géotechnique préliminaire de site. Cette mission ne recouvrait pas la recherche d'hydrocarbures, ni, de manière générale, l'étude des risques environnementaux. Désormais, lorsqu’il y a changement la procédure de changement d’usage est chargée de pallier ces problématiques (article L.556-2 et L.125-6 du code de l’environnement).

Enfin, la Cour de cassation rejette les appels en garantie formés contre la SNCF, TOTAL et ESSO au titre de la garantie des vices cachés. La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de condamner une société pétrolière à verser des dommages et intérêts lorsque la pollution est visible mais l’ampleur indétectable. Néanmoins, dans la présente affaire, la pollution ne rendait pas le terrain inconstructible : le projet de construction n'avait simplement pas été conçu en fonction de la pollution résiduelle. En outre, la SCA avait eu connaissance de l'ancienne affectation des terrains pris à bail, en dépôt et en stockage d'hydrocarbures. Elle aurait donc dû, selon la Cour, se livrer à une étude approfondie de l'ampleur de la pollution avant d'édifier sur ces terrains un centre commercial ouvert au public.

La Haute juridiction rejette finalement la mise en cause de la responsabilité délictuelle des vendeurs en raison de la méconnaissance supposée de l’obligation de remise en état.