Cette décision était attendue des personnes physiques ainsi que plusieurs associations avaient attaqué la décision du ministre de l’économie désignant le consortium chinois « Symbiose » en qualité d’acquéreur de l’aéroport de Toulouse. Les requérants contestaient aussi l’acte de cession signé par le représentant de l’APE.

 

Faits et procédure :

Pour rappel, un décret du 11 juillet 2014 (D. n° 2014-795, 11 juill. 2014, JO 12 juill.) avait autorisé la privatisation d’une partie du capital de la société « Aéroport Toulouse-Blagnac », concessionnaire dudit aéroport. L’État français, jusqu’alors actionnaire majoritaire, cédait ainsi au secteur privé une participation majoritaire au capital de la société, en ne conservant qu’une participation résiduelle de 10,01 %.

 

En application de ce décret, une procédure d’appel d’offres avait été lancée par les ministres de l’économie et des finances. Cette procédure avait abouti à la désignation, en avril 2015, du consortium chinois Symbiose (désormais société Casil Europe) en tant que nouvel actionnaire privé de la société, à hauteur de 49,99 % des parts du capital (Arr. 15 avr. 2015, NOR : FCPA1509044A, JO 17 avr.). Plusieurs syndicats et particuliers opposés à cette privatisation avaient demandé l’annulation de cette décision au juge administratif.

Les requérants avaient en premier lieu saisi le tribunal administratif de Paris, lequel avait rejeté les requêtes. Les requérants avaient alors interjeté appel et la Cour administrative d’appel de Paris avait annulé l’arrêté du ministre de l’économie désignant Symbiose comme acquéreur ainsi que annulé l’arrêté de transfert des participations dans l’aéroport au secteur privé.

L’Etat, représenté par le ministre de l’économie s’est donc pourvu en cassation.

 

Apport de la décision :

L’annulation des arrêtés par la CAA faisait suite à la modification, en cours de procédure, de la composition du consortium « Symbiose ». Elle estimait que le cahier des charges impliquait nécessairement une telle stabilité dans l’identité du consortium.

Le Conseil d’Etat prend, ici, le contrepied de l’analyse de la CAA en relevant que «aucune des règles fixées par le cahier des charges n'imposait aux participants à une offre conjointe de regrouper les mêmes entités tout au long de la procédure à l'exception de son chef de file ».

Partant, le Conseil d’Etat considère que la procédure d’attribution n’est pas illicite et casse donc l’arrêt de la CAA sur ce point.

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat indique ensuite que le choix d’attribuer au consortium les participations n’est entachée pas aucune erreur manifeste d’appréciation « la prétendue insuffisance de garanties financières du consortium n'est étayée par aucune pièce du dossier ».

 

Cette décision du Conseil d’Etat n’est pas surprenante puisqu’il faut rappeler que l’article R.2142-26 du code de la commande publique prohibe la modification d’un groupement entre la remise des offres et la signature du marché. Cette règle n’est bien évidemment pas valable en cours d’exécution (Question n°00829 du 3/08/17).

Toutefois, les dispositions du code de la commande publique permettent au pouvoir adjudicateur d’imposer le passage à une forme déterminée du groupement (article R.2142-22 du code de la commande publique) pour l’exécution du marché dans deux situations :

  • En cas d'opération de restructuration de société, notamment de rachat, de fusion ou d'acquisition ou si le groupement apporte la preuve que l'un de ses membre se trouve dans l’impossibilité d’accomplir sa tâche pour des raisons qui ne sont pas de son fait, il peut demander au pouvoir adjudicateur l’autorisation de continuer à participer à la procédure de passation, en proposant le cas échéant à l’acceptation du pouvoir adjudicateur un ou plusieurs sous‐ traitants.
  • Pour les marchés de la défense, le pouvoir adjudicateur peut prévoir dans l'avis d'appel public à concurrence ou le règlement de consultation la possibilité de modifier la composition des groupements et d'en constituer de nouveaux entre la remise des candidatures et la remise des offres initiales ou, le cas échéant, lorsque les circonstances liées à la complexité des spécifications techniques le justifient, jusqu'au terme de la négociation ou du dialogue. A défaut d'une telle indication, les groupements ne peuvent être constitués ou modifiés après la date de remise des candidatures.

La solution retenue par le Conseil d’Etat est donc logique.