Par cette décision, la CJUE vient préciser dans quelles conditions un pouvoir adjudicateur peut exclure d’une procédure d’attribution un candidat qui a vu un marché antérieurement conclu être résilié.

 

Faits et procédure :

 Par une décision du 3 octobre 2014, la commune de Râmincu Vâlcea a attribué à une association temporaire d’entreprises dont Delta était le chef de file un marché de travaux de construction pour la rénovation et la modernisation d’une base d’agrément.

Le 7 juin 2017, cette commune a résilié ledit marché au motif que, sans avoir obtenu au préalable son approbation, l’ATE n° 1 aurait eu recours à un sous-traitant.

Le 25 juillet 2017, ladite commune a déposé, sur la plateforme en ligne dénommée « système électronique des marchés publics », un constat indiquant, d’une part, que ce marché avait été résilié en raison d’une faute commise par l’ATE n° 1 et, d’autre part, que ladite résiliation lui aurait causé un préjudice évalué à 2 345 299,70 lei roumains (RON) (environ 521 000 euros).Par un avis de marché du 27 juillet 2017, la CNAIR a lancé une procédure ouverte de passation de marché public ayant pour objet des services de travaux destinés à l’élargissement d’une route nationale. À cette fin, elle envisageait de conclure un contrat-cadre d’un montant de 210 627 629 RON (environ 46 806 140 euros) pour une durée de 84 mois.

Dans le cadre de cette procédure, l’association temporaire d’entreprises formée par Delta, Aleandri SpA et Luca Way Srl a soumis une offre.

Ayant interrogé la plateforme SEMP pour chaque soumissionnaire, la commission d’évaluation de la CNAIR a pris connaissance du constat et a sollicité des clarifications à cet égard auprès de la commune et de Delta.

 Pour sa part, la commune a affirmé que la résiliation du marché n° 1 était justifiée par le fait que, pendant la durée du contrat, des parties importantes des travaux concernés avaient été sous-traitées sans son approbation préalable.

À la lumière des réponses ainsi obtenues, la commission d’évaluation de la CNAIR a conclu que Delta n’avait pas démontré que le constat avait été suspendu ou annulé. En outre, l’ATE n° 2 ayant déclaré, dans le cadre du document unique de marché européen, qu’il n’y avait pas à son égard de motif d’exclusion relevant de la faute professionnelle grave ni de situation ayant donné lieu à une résiliation anticipée d’un marché public antérieur, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable en liaison avec le marché n° 1, cette commission a considéré que l’offre soumise par cette association relevait des dispositions de l’article 167, paragraphe 1, sous g), de la loi n° 98/2016. En conséquence, la CNAIR a exclu l’offre de l’ATE n° 2 par une décision du 18 décembre 2017.

Suite à un contentieux devant les juridictions nationales, la Cour d’appel de Bucarest a saisi la CJUE de la question préjudicielle suivante :

« L’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive [2014/24] peut-il être interprété en ce sens que la résiliation d’un marché public, au motif qu’une partie des travaux a été sous‑traitée sans le consentement du pouvoir adjudicateur, est une défaillance importante ou persistante constatée lors de l’exécution d’une obligation essentielle prévue dans un marché public antérieur qui entraîne l’exclusion d’un opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché ? »

 

Apport de la décision :

La CJUE indique, en s’appuyant sur l’arrêt Méca (CJUE, 19 juillet 2019, aff. C-41/18) qu’un pouvoir adjudicateur ne peut automatiquement déduire de la décision de résiliation d’un autre pouvoir adjudcateur que la société en cause connait encore des défaillances importantes ou persistantes.

La CJUE considère qu’il incombe au pouvoir adjudicateur de procéder à sa propre analyse du comportement de l’opérateur économique concerné. Il doit donc examiner de manière diligente et impartiale si cet opérateur est responsable de défaillances susceptibles de se reproduire sur d’autres marchés.

La CJUE relève donc que :

«  Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 57, paragraphe 4, sous g), de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens que la sous-traitance, par un opérateur économique, d’une partie des travaux dans le cadre d’un marché public antérieur, décidée sans le consentement du pouvoir adjudicateur et qui a donné lieu à la résiliation de ce marché, constitue une défaillance importante ou persistante constatée lors de l’exécution d’une obligation essentielle afférente audit marché, au sens de ladite disposition, et est donc de nature à justifier l’exclusion de cet opérateur économique de la participation à une procédure de passation de marché public ultérieure si, après avoir procédé à sa propre évaluation de l’intégrité et de la fiabilité de l’opérateur économique visé par la résiliation du marché public antérieur, le pouvoir adjudicateur qui organise cette procédure de passation de marché ultérieure estime qu’une telle sous-traitance entraîne la rupture du lien de confiance avec l’opérateur économique en cause. Avant de prononcer une telle exclusion, le pouvoir adjudicateur doit toutefois, conformément à l’article 57, paragraphe 6, de cette directive, lu en combinaison avec le considérant 102 de ladite directive, laisser la possibilité à cet opérateur économique de présenter les mesures correctives qu’il a adoptées à la suite de la résiliation du marché public antérieur. »