L’arrêt du 18 mars 2020 rendu par la Cour de cassation est très intéressant s’agissant de la compatibilité entre les activités du gérant qui peut exercer, en dehors de cette activité de gérant, une activité concurrente.

Règle n°1 : Le devoir de loyauté du dirigeant envers sa société

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion d’affirmer qu’il existe un devoir de loyauté du dirigeant envers sa société (Com., 7 juin 1994, n° 92-13935 : BJS nov. 1994, n° 336, p. 1232, ) ainsi qu’envers les associés de celle-ci. Parmi les obligations du dirigeant envers sa société il existe aussi l’obligation de non-concurrence et l’obligation de fidélité du dirigeant social envers la structure dont il assure la gestion. 

De fait, traditionnellement la concurrence illicite d’un dirigeant envers sa société est considérée comme une faute et sanctionnée par les tribunaux judiciaires (Com., 24 février 1998, n°96-12638).

Règle n°2 : L’importance des faits

Quoi qu’il en soit, ce sont les principes généraux de la responsabilité pour faute qui servent de fondement à l’action. La conséquence en est qu’une « faute » doit être caractérisée, et qu’un « seuil de sensibilité » doit être examiné.

Il est donc nécessaire de s’attacher aux faits pour comprendre ce qui a motivé la décision de la Cour de cassation.

En l’espèce, le gérant d’une SARL développe une activité concurrente de celle de la société qu’il dirige, par le biais d’une autre société, dont il prend également la gouvernance. Le gérant, après accord unanime des associés de la SARL, procède à une répartition des parts de marchés entre les deux structures. Mais invoquant des actes de concurrence déloyale et le détournement d’une partie de son activité, la SARL assigne son gérant (qui, entre temps, a été révoqué de ses fonctions) en paiement de dommages-intérêts. La cour d’appel (Pau, 9 avril 2018) rejette la demande au motif que le dirigeant n’a commis aucune faute en négociant pour le compte d’une autre entreprise dont il est également le gérant, un marché dans le même domaine d’activité, dès lors que l’existence de cette activité concurrente avait été portée à la connaissance de l’ensemble des associés, qui ont exprimé de façon non équivoque leur assentiment à ce mode de fonctionnement. Le pourvoi formé par la SARL est rejeté par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans cet arrêt en date du 18 mars 2020.

En l’occurrence a rendu son arrêt au visa de l’article L.223-22 du code de commerce lequel dispose que « ne donne pas lieu à responsabilité le fait dommageable portant atteinte à un droit ou à un intérêt dont la victime pouvait disposer, si celle-ci y a préalablement consenti ».

C’est pourquoi, la Cour de cassation rejette le pourvoi de la SARL qui avait assigné son ancien gérant.

Règle n°3 : Informer sa société de son activité et que l’activité ne soit pas préjudiciable à la société

Deux conclusions peuvent être tirées de cette décision :

  • Il appartient au dirigeant, en vertu de son devoir de loyauté, d’avertir les associés d’un risque potentiel de concurrence. Et il revient à ceux-ci, en fonction de leur appréciation d’un éventuel conflit d’intérêts, d’autoriser – ou pas – cette concurrence ;
  • La révélation de la situation de concurrence et son approbation par les associés n’est pas suffisante. Encore faut-il que l’opération ne soit pas préjudiciable à la société. En effet, le cumul des mandats pour le gérant de SARL n’étant pas par principe interdit, c’est par rapport aux activités réellement développées par les deux sociétés auxquelles le dirigeant participe, que le juge doit très concrètement déterminer si l’obligation de loyauté et de fidélité consubstantielle au mandat social est malmenée.