Un arrêt fort intéressant vient d’être rendu par la CJUE concernant le recours des soumissionnaires aux capacités d’une autre entité et le caractère mensonger des déclarations de celui-ci.

 

En l’espèce, l’agence sanitaire de Toscane a lancé un appel d’offres en janvier 2018 pour la démolition de bâtiments. Dans le cadre de la présentation de son offre la société A a fait état des capacités techniques et professionnelles d’une autre société, la société B.

 

Alors qu’elle était classée première, la société A a fait l’objet d’une exclusion dont la motivation repose sur la fourniture d’une déclaration par la société B qui ne mentionnait pas un jugement d’application de la peine négociée dans le cadre d’un accord entre parties, prononcé à l’encontre du titulaire et représentant légal de l’entreprise.

 

L’acheteur considéra que la société B avait fourni une fausse déclaration dans le DUME.

 

Saisi d’un recours engagé par la société A, le Conseil d’Etat pose à la CJUE la question préjudicielle suivante :

 

« l’article 63 de la directive 2014/24/UE s’oppose-t-il à l’application de la réglementation italienne en matière de recours aux capacités d’autres entités et d’exclusion des procédures d’appel d’offres selon laquelle en cas de déclaration mensongère fournie par l’entreprise auxiliaire quant à l’existence de condamnations pénales ayant acquis force de chose jugée, le pouvoir adjudicateur doit systématiquement exclure l’opérateur économique soumissionnaire de la procédure, sans lui imposer ni lui permettre de désigner une autre entreprise idoine, en remplacement de la première ? »

 

Tout d’abord, la Cour rappelle que l’article 63§1 de la directive prévoit le droit pour un opérateur économique d’avoir recours, pour un marché déterminé, aux capacités d’autres entités, quelle que soit la nature juridique des liens qui l’unissent à ces entités, en vue de satisfaire tant aux critères relatifs à la capacité économique et financière énoncés à l’article 58, paragraphe 3, de cette directive qu’aux critères relatifs aux capacités techniques et professionnelles, visés à l’article 58, paragraphe 4, de ladite directive. Il s’agit, sur ce point, d’un rappel de la jurisprudence déjà établie par le juge européen (CJUE, 2 juin 2016, aff. C-27/15).

 

Ensuite, la Cour précise que l’article 63 de la directive, lu en combinaison avec l’article 57 §4, h) de cette même directive doit être interprété dans le sens où cet article s’oppose à ce qu’une réglementation interne procède à l’exclusion automatique d’un soumissionnaire se prévaut de capacités d’une entreprise tierce laquelle a transmis des informations fausses et/ou mensongères. Pour mener une telle appréciation la CJUE fait reposer son jugement sur le principe de proportionnalité qui impose au pouvoir adjudicateur de se livrer à une appréciation concrète et individualisée de l’attitude de l’entité concernée, sur la base de tous les éléments pertinents.

 

En l’espèce, la condamnation de la société B était mentionnée dans un casier sur lequel la société A n’avait pas accès « de sorte que la réglementation italienne ne permettait pas à la société A d’avoir connaissance de cette condamnation, il ne saurait lui être reproché d’avoir manqué de diligence. »

 

En conclusion, la CJUE indique donc que l’article 63 de la directive 2014/24, lu en combinaison avec l’article 57 §4, h), s’oppose « à une réglementation nationale en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur doit automatiquement exclure un soumissionnaire d’une procédure de passation de marché public lorsqu’une entreprise auxiliaire, aux capacités desquelles il entend recourir, a fourni une déclaration mensongère quant à l’existence de condamnations pénales ayant acquis force de chose jugée, sans pouvoir imposer ou, à tout le moins, permettre, en pareille hypothèse, à ce soumissionnaire de remplacer ladite entité. »

 

En d’autres termes, si le soumissionnaire ne pouvait pas avoir connaissance des condamnations de l’entreprise de référence, l’acheteur public ne peut exclure ledit soumissionnaire en raison du caractère mensonger de la déclaration faite par l’entreprise tierce.