La loi relative à la rétention de sureté a été partiellement censurée par décision du Conseil Constitutionnel en date du 21 février 2008.

Les dispositions vivement critiquées, qui n'ont pas été censurées ont été très sérieusement encadrées par la haute juridiction


L’Assemblée Nationale a adopté, en deuxième lecture, le 6 février 2008, la version définitive de la loi sur la rétention de sûreté.

Cette loi vise à placer en rétention de sureté certaine personnes, au terme de l’exécution de la peine de prison à laquelle elles ont été condamnées.

Afin de tenir compte des avis de la Commission des lois du Sénat ne peuvent être soumises à rétention de sûreté que les personnes qui ont été condamnées :

- pour meurtre, assassinat, torture ou actes de barbarie et viol, enlèvement et séquestration sur un mineur de moins de 15 ans

- pour crime d’assassinat, de viol aggravé, d’enlèvement ou de séquestration aggravée commis sur une victime majeure, lorsqu’une condamnation à au moins quinze ans de réclusion aura été décidée

Etant précisé que la rétention de sûreté ne peut être prononcée que pour autant que la Cour d’Assises l’ait expressément prévue dans son arrêt de condamnation.

Les personnes susceptibles d’être soumises à rétention de sûreté, sont examinées un an avant la fin de leur peine, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (le préfet, un psychiatre, un psychologue, un représentant d’une association d’aide aux victimes, un avocat), déjà compétente pour le placement sous surveillance électronique mobile. Cette Commission décide du placement en rétention de sûreté au vu d’une expertise médicale réalisée par deux psychiatres, qui doit se prononcer sur la dangerosité.

Si elle estime que la personne examinée présente une particulière dangerosité et des risques de récidive, elle propose au Procureur Général de saisir la commission régionale composée d’un Président de Chambre et deux conseillers à la Cour d’Appel, désignés par le Premier Président de la Cour, pour une durée de trois ans.

Elle statue à l’issue d’un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté d’un avocat. La contre-expertise sollicitée par le condamné est de droit.

La décision de cette commission, exécutoire immédiatement à l’issue de la peine, doit être spécialement motivée.

Elle peut faire l’objet d’un recours devant une commission nationale composée de trois conseillers à la Cour de Cassation, désignés pour une durée de trois ans par le Premier Président de la Cour de Cassation.

La rétention de sûreté est d’une durée d’un an renouvelable.

La personne retenue est placée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté, où il lui est proposé de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale, psychologique destinée à permettre la fin de la rétention.

Une rapide réflexion sur ce texte met en lumière la fragilité des fondements allégués, tout autant que des garanties mises en avant.

Le Gouvernement justifie le texte adopté par l’Assemblée Nationale, en affirmant qu’il s’agit « de garantir la sécurité des personnes… par des mesures de police de sûreté, qui tout en ne constituant ni une peine ni une sanction, sont indispensables au regard de la dangerosité» des personnes concernées.

On peut difficilement ne pas approuver l’observation de l’Association Française de Criminologie : « Nier la dangerosité d’un certain nombre de personnes serait absurde et relèverait du déni de la réalité. Y faire face est donc un devoir, mais pas à n’importe quel prix… »

La loi vise à retenir des individus déclarés dangereux, mais non malades mentaux. C’est donc, comme le souligne encore avec justesse l’Association Française de Criminologie, une dangerosité criminologique et non une dangerosité psychiatrique qui est visée par la loi.

Or, en l’état actuel de la science, quels sont les outils qui permettent d’apprécier sérieusement « les facteurs environnementaux et situationnels susceptibles de favoriser l’émergence du passage à l’acte » ?

En effet les centres de rétention socio-medico-judiciaires ne sont pas des hôpitaux. Il est alors permis de s’interroger sur la nature des soins qui y seront prodigués.

On peut douter de l’efficacité de ceux-ci, quand on sait que par définition, la rétention de sûreté est destinée à ceux qui ont passé quinze ans en prison, sans y recevoir les soins appropriés.

Pour répondre à cette critique, le Gouvernement a accepté l’amendement proposé par la commission des lois. Le texte adopté en deuxième lecture par l’Assemblée Nationale prévoit une évaluation de la dangerosité dans l’année de la condamnation et une prise en charge sociale et sanitaire.

C’est indiscutablement un progrès sérieux. Mais le problème reste entier, car la rétention de sûreté est renouvelable. Or sauf à décider que les personnes placées en rétention de sûreté ont vocation à y rester à perpétuité, il faudra bien qu’elles sortent un jour. Et qui pourra garantir qu’elles ne commettent plus d’infractions ?

On le voit, les aménagements apportés au texte final, sont tellement minimes, qu’ils ne permettent pas d’accepter les atteintes aux principes de base qui s’imposent à toute démocratie.

La mesure de sûreté imposée par la loi, s’applique à des personnes qui ont purgé leur peine, dans le but de prévenir un acte futur potentiel dont personne ne sait s’il se réalise un jour.

Cela fait penser aux films de science fiction, ou des Tribunaux jugeaient par avance, les actes non encore commis, mais qui seraient commis dans un futur plus ou moins proche.

C’est sans doute pour tenter d’éviter la critique de la double peine que le législateur confie non à un tribunal mais à une commission la charge de prononcer la décision de placement en rétention.

Le Syndicat de la Magistrature, estime que la rétention de sûreté permet de « prolonger l’enfermement, sans jugement ni peine avec des possibilités de renouvellement infinies de la mesure ». Ce dispositif procède d’une philosophie de l’enfermement manifestement contraire à la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, qui proscrit toute forme de détention hors les cas prévus par l’article 5 !

La Commission des Lois du Sénat a été sensible à cette critique, et a souhaité renforcer les garanties prévues pendant la procédure et pendant la rétention. Mais à bien y regarder, ces garanties peuvent paraître illusoires.

La décision de placement en rétention, ne saurait garantir la disparition de tout risque de récidive. Or c’est au nom de ce résultat hypothétique que le législateur porte atteinte aux libertés individuelles .Ainsi, la justice qui doit normalement sanctionner des actes répréhensibles commis, est maintenant habilitée à appréhender des actes susceptibles d’être commis, mais non encore commis.

Les parlementaires socialistes ont déféré à la censure du Conseil Constitutionnel, la loi adoptée le 6 janvier 2008.Dans leur argumentaire particulièrement soutenu, les requérants dénoncent une triple violation des principes, de la légalité des délits et des peines par application immédiate de la loi, de l’interdiction de toute détention arbitraire et de la présomption d’innocence.

Par décision du 21 Février 2008, le Conseil Constitutionnel a jugé que :

-La rétention de sûreté, non prononcée par une juridiction de jugement se prononçant sur la culpabilité, n’est pas une peine.

-La rétention de sûreté ne peut être prononcée que si la personne a bénéficié de soins appropriés pendant l’exécution de sa peine.

-La rétention de sûreté, de nature privative de liberté ne sautait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi.

-La surveillance de sûreté est, par contre, immédiatement applicable. Si l’intéressé méconnait les obligations qui lui sont imposées, il peut, en cas de particulière dangerosité, être placé en rétention de sûreté.