La production en justice d'une pièce portant atteinte à la vie privée de la partie adverse est susceptible d'engager la responsabilité civile de la partie qui la verse au débat.


Par arrêt en date du 16 octobre 2008 la Première Chambre civile de la Cour de Cassation (n° 07-15.778, FS P+B) a rendu un arrêt intéressant l’administration judicaire de la preuve et le droit au respect de la vie privée.

Le droit au respect de la vie privée est un droit à valeur constitutionnelle garanti et protégé notamment par l’article 9 du code civil, mais également par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme en son article 8.

Il implique que soit reconnu à chaque individu une sphère inviolable d’intimité concernant sa personne, ses opinions, ses orientations, son domicile etc…

Les faits de l’espèce étaient les suivant : avant sa mort un chef d’entreprise avait désigné son homme de confiance comme son successeur à la tête de l’entreprise familiale. L’un des héritiers, mécontent, a devant les juridictions pénale et civile, reproché à celui qu’il considérait comme un intrus, les conditions préjudiciables dans lesquelles il avait été amené à acquérir ses parts sociales. En réplique fut produit en justice une note du de cujus dans lequel ce dernier mettait en doute les compétences professionnelles de ses descendants, et souhaitait que ceux-ci soient écartés de la direction de la société.

Un des héritiers formait alors une demande en indemnisation fondée sur une atteinte à sa vie privée.

La Cour d’appel avait fait prévaloir l’intérêt supérieur de la défense et décidait que cette pièce "n'était pas dépourvue de rapport avec les faits, objet de l'information judiciaire et pouvant au contraire leur conférer un éclairage particulier".

Ce raisonnement est censuré par la Première Chambre civile qui considère qu’en statuant ainsi, sans caractériser la nécessité de la production litigieuse quant aux besoins de la défense et sa proportionnalité au but recherché, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

On peut s’interroger sur la réalité d’une atteinte à la vie privée en l’espèce dans la mesure ou il s’agissait seulement de l’opinion du de cujus sur les facultés de gestion et de direction de la société de ses enfants, et non de la révélation d’informations personnelles sur ceux-ci.

Par cet arrêt rendu au visa des articles 9 du Code Civil, 9 du Code de Procédure Civile, 6 et 8 de la CEDH, la première chambre civile invite les juges du fond à motiver leur décision par un contrôle de proportionnalité entre le droit au respect de la vie privée, le respect des droits de la défense, et les impératifs de manifestation judicaire de la vérité.

Affaire intéressante à suivre …