Pour pouvoir légalement classer des terrains en emplacement réservé dans le POS ou dans le PLU, une commune n'a pas à justifier d'un projet précis de voie publique, d'ouvrage public, d'installation d'intérêt général ou d'espace vert.

Le classement d'un terrain en emplacement réservé par un plan d'occupation des sols (POS), un plan local d'urbanisme (PLU) ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) est une servitude portant gravement atteinte au droit de propriété puisque le terrain, même inclus dans une zone urbaine, ne pourra recevoir aucune construction.

En contrepartie du gel de son terrain, le propriétaire dispose de la faculté de le délaisser en mettant en demeure le réservataire de l'acquérir ; l'indemnité est calculée sans tenir compte de l'emplacement réservé et donc de l'inconstructibilité qui le grève ; faute d'accord amiable ou de saisine du juge foncier, l'emplacement réservé cesse d'être opposable 15 mois après la mise en demeure (C. urb., art. L. 230-3 et L. 230-4).

En dépit de ces garanties, on pourrait penser que l'importance de l'atteinte au droit de propriété, suppose que le classement d'un terrain en emplacement réservé ne soit pas décidé à la légère, et soit justifié par un projet ayant une certaine consistance. Pourtant, en pratique, de nombreux emplacements réservés figurant dans les documents d'urbanisme ne procèdent d'aucune étude préalable mais seulement d'une idée survenue au cours des travaux d'élaboration associée, ou d'un voeu exprimé à l'occasion de la concertation.

Le Conseil d'état par arrêt en date du 7 juillet 2008 (CE, 7 juill. 2008, n° 296438, Cne Verdun : JurisData n° 2008-073868) valide cet état de fait et rejette l'annulation de la création de l'emplacement réservé : « Considérant (...) qu'aux termes de l'article L. 123-1 du Code de l'urbanisme : « (...) Les plans d'occupation des sols doivent (...) : (...) / 8° fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts (...) » ; qu'il résulte de ces dispositions que la commune n'avait pas à justifier, pour décider la création d'un emplacement réservé sur la parcelle AH 107 dans le cadre de la révision du plan d'occupation des sols, d'un projet précis et déjà élaboré de voie ou d'ouvrage publics, d'équipement d'intérêt général ou d'espace vert ; que, par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de l'illégalité du plan d'occupation des sols en tant qu'il prévoit un emplacement réservé sur la parcelle AH 107 doit être écarté ».

Une grande latitude est consacrée aux collectivités réservataire, au détriment sûrement du droit de propriété, pourtant droit fondamental.