L'article 918 du code civil pose une présomption simple de gratuité des ventes dont la contrepartie est versée sous la forme d'une rente viagère.

Dans sa version en vigueur au moment du décès du de cujus, l'article 918 du code civil disposait « La valeur en pleine propriété des biens aliénés, soit à charge de rente viagère, soit à fonds perdu, ou avec réserve d'usufruit à l'un des successibles en ligne directe, sera imputée sur la portion disponible ; et l'excédent, s'il y en a, sera rapporté à la masse. Cette imputation et ce rapport ne pourront être demandés par ceux des autres successibles en ligne directe qui auraient consenti à ces aliénations, ni, dans aucun cas, par les successibles en ligne collatérale. ».

A son décès, un père, laissait habile à lui succéder, ses six enfants. Par acte notarié, trois ans plus tôt, il avait vendu à une société civile immobilière une maison avec terrain située à Aix en Provence, dont le environ le quart a été payé comptant, et le surplus à charge d'une rente viagère.

Estimant que la vente avait en réalité été consentie à l'un de cohéritiers, lequel possédait 20 % du capital de la SCI, le reste étant possédé par une société dont il avait aussi des parts, les autres héritiers l'ont fait assigner, ainsi que la SCI, pour obtenir, sur le fondement de l'ancien article 918 du code civil, le rapport à la succession de la valeur réelle du bien.

N'obtenant pas gain de cause en appel, les frères et soeurs forment un pourvoi en cassation.

Celui-ci est rejeté. La Cour de Cassation considère que la présomption de gratuité édictée par l'article 918 du Code civil dans sa version antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ne s'applique qu'aux aliénations consenties à l'un des successibles en ligne directe ; il s'ensuit que la cour d'appel a refusé à bon droit d'appliquer ce texte à la vente pour partie en viager d'un bien immobilier régulièrement consentie à une société civile immobilière, peu important que cette société ait pour associé un successible en ligne directe du vendeur décédé, dès lors que celle-ci ayant une personnalité juridique distincte, ladite opération n'avait pu avoir pour effet de rendre ce dernier propriétaire du bien.

La cour de cassation valide le montage juridique, et décide d'occulter la structure particulière de l'opération litigieuse. A l'usage ce procédé peut s'avérer particulièrement lésionnaire des intérêts des autres héritiers réservataires. (Cass. Civ. 1re, 30 sept. 2009 ; pourvoi n° 08-17.411)