L’article 968 du Code civil dispose : « Un testament ne pourra être fait dans le même acte par deux ou plusieurs personnes soit au profit d'un tiers, soit à titre de disposition réciproque ou mutuelle ». La décision commentée fait une stricte application de ce texte.

     La mère et la sœur d’un de cujus, les consorts Z, ont assigné en partage judiciaire de sa succession la survivante pacsée, avec laquelle le défunt avait conclu un pacte civil de solidarité, complété par un document en date du 23 décembre 1999, stipulant la mise en commun de tous leurs biens mobiliers et immobiliers en indivision et, en cas de décès de l'un ou l'autre, le legs de l'ensemble de ses biens au partenaire survivant.

       La défenderesse a fait   valoir devant la cour d'appel que l'application de l'article 968 du code civil, prohibant le testament conjonctif, portait atteinte à sa vie privée et familiale ; qu'elle produisait à cette fin de nombreux témoignages attestant de ce que la volonté de Bernard Z... de lui léguer l'ensemble des biens qu'ils avaient acquis en indivision était libre, certaine, et avait perduré jusqu'à son décès

La Cour d’appel Nancy a jugé   que l'acte du 23 décembre 1999 ne pouvait avoir la valeur d'un testament, en raison des termes de l'article 968 prohibant le testament conjonctif.

     Devant la Cour de Cassation la survivante PACSEE a fait valoir que :

               1°/ toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il appartient au juge d'apprécier si concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en œuvre des dispositions du droit français applicables ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi .L'application de la prohibition du testament conjonctif, laquelle repose sur la volonté d'éviter le risque que le testateur ait agi sous influence et de préserver sa faculté de révocation unilatérale, portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale .

            2°/  toute personne a droit au respect de ses biens ; qu'une espérance légitime de créance est un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il appartient au juge d'apprécier si concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en œuvre des dispositions du droit français applicables ne porte pas au droit au respect des biens protégé par le premier protocole additionnel à la Convention européenne une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ;

        La Cour de Cassation a approuvé la Cour d’Appel  d’ avoir rappelé que l'article 968 du code civil prohibe les testaments conjonctifs , et exige le recueil des dernières volontés dans un acte unilatéral, afin de préserver la liberté de tester et d'assurer la possibilité de révoquer des dispositions testamentaires, l'arrêt retient que l'acte litigieux, signé par deux personnes qui se léguaient mutuellement tous leurs biens, ne peut valoir testament, et constate que l'exigence de forme édictée par le texte précité ne porte atteinte ni au droit à la vie privée et familiale ni au droit de propriété, dès lors que le testateur conserve la libre disposition de ses biens .( Cass. Civ. 1°. 4 Juillet 2018. N° 17-22.934)