Une fonctionnaire de la Commission européenne, a sollicité son admission au barreau de Paris ,sous le bénéfice de la dispense de formation et de diplôme prévue à l’article 98, 4, du décret n 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, pour les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale ;

            Par arrêté du 9 mai 2016, la formation administrative restreinte du conseil de l'ordre des avocats de Paris, a rejeté la demande d'inscription sollicitée estimant que les conditions de l'article 98-4 du décret du 27 novembre 1991, n’étaient pas réunies en l’espèce.

            L’impétrante a interjeté appel sollicitant l’infirmation de l'arrêté du 9 mai 2016 ,et en tant que de besoin, que soit posée une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne

            La Cour de Paris a confirmé l’arrêté querellé au motif que  l'expérience professionnelle du candidat à l'accès à la profession d'avocat doit être appréciée in concreto afin de déterminer si celle-ci correspond à la qualification professionnelle exigée par l'article 98, 4, et répond ainsi aux conditions de formation, de compétence et de responsabilité attachées à la fonction publique de catégorie A ; qu’il relève que la volonté de veiller à une connaissance satisfaisante par l'avocat du droit national a pour objectif de garantir l'exercice complet, pertinent et efficace des droits de la défense des justiciables, dès lors que, même si ce droit comprend nombre de règles européennes, il conserve néanmoins une spécificité et ne se limite pas à ces dernières ; que l’arrêt retient que la nécessité impérieuse de le rendre effectif constitue un objectif légitime qui peut justifier des restrictions d'accès à la profession d’avocat ; qu’il en déduit que cette exigence, appréciée in concreto, ne crée pas de conditions discriminatoires d'accès à la profession d'avocat pour les ressortissants de l'Union européenne

            La Cour précise que l'article 98 du décret de 1991 pose des conditions dérogatoires qui doivent, à ce titre, être interprétées strictement et que les personnes ne pouvant prétendre à leur bénéfice conservent la possibilité d'accéder à la profession d'avocat selon les modalités générales fixées par l'article 11 de la loi de 1971 ; qu’il estime que la restriction apportée à l'accès à la profession d'avocat reste donc limitée et proportionnée à l'objectif poursuivi.

            En conséquence, la cour d’appel a jugé que l’appelante, ne justifiait pas d’une pratique du droit national.

            La fonctionnaire de la Commission européenne a saisi la Cour de Cassation, qui a décidé, le 28 février 2019, de saisir la CJUE les deux questions suivantes :

                        -          " le principe selon lequel le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), a créé un ordre juridique propre, intégré aux systèmes juridiques des États membres et qui s'impose à leurs juridictions, s'oppose-t-il à une législation nationale qui fait dépendre l'octroi d'une dispense des conditions de formation et de diplôme prévues, en principe, pour l'accès à la profession d'avocat, de l'exigence d'une connaissance suffisante, par l'auteur de la demande de dispense, du droit national d'origine française, excluant ainsi la prise en compte d'une connaissance similaire du seul droit de l'Union européenne ?

                        -         " les articles 45 et 49 du TFUE s'opposent-ils à une législation nationale réservant le bénéfice d'une dispense des conditions de formation et de diplôme prévues, en principe, pour l'accès à la profession d'avocat, à certains agents de la fonction publique du même État membre ayant exercé en cette qualité, en France, des activités juridiques dans une administration ou un service public ou une organisation internationale, et écartant du bénéfice de cette dispense les agents ou anciens agents de la fonction publique européenne qui ont exercé en cette qualité ? "

            C’est une affaire à suivre avec intérêt. (Cass. 1re civ., 20 févr. 2019, n° 17-21.006 : JurisData n° 2019-002416)