Souffrant de lombalgies, Mme Laëtitia L. a consulté son médecin traitant, le Dr Anne M., médecin généraliste qui lui prescrivait alors, un traitement antalgique ainsi qu'une radiographie

            L’examen, réalisé le 9 mars 2011, allait mettre en évidence une pathologie discarthrosique L5-S1.

            Le 10 mars 2011, face à la persistance des douleurs, 1e Dr Anne M. adressait sa patiente aux urgences du centre hospitalier privé de Saint-Grégoire où Mme L. était prise en charge par le Dr Damien B., chirurgien du rachis.

            Le 13 mars 2011, après réalisation d'examens complémentaires et d'une infiltration, la patiente était invitée à regagner son domicile, le Dr Damien B. étant d'avis, compte tenu de son état clinique et des renseignements médicaux obtenus, de surseoir à tout geste chirurgical. Un rendez-vous était toutefois pris avec le chirurgien pour le 4 avril suivant.

            Le 23 mars 2011, les douleurs augmentant, Mme L. devançait son rendez-vous pour rencontrer à nouveau le Dr Damien B.. A l'issue de 1'examen, celui-ci estimait encore qu'il n'y avait pas lieu d'opérer espérant une amélioration des symptômes sous l'effet des médicaments ; le rendez-vous du 4 avril 2011 était cependant maintenu.

            Le 24 mars 2011, à son domicile, Mme L. ressentait une violente douleur lombaire qu'elle qualifiait 'd'explosion dans le dos ; elle contactait alors par téléphone 1e Dr Anne M. qui, sans l'examiner, lui prescrivait une augmentation de ses doses d'antalgiques. Le 25 mars 2011, alors que les douleurs ne cessaient de croître, Mme L. téléphonait à nouveau au Dr Anne M. qui, toujours sans l'examiner, prescrivait son entrée à l'hôpital local de Saint-Brice-en-Cogles, établissement avec lequel la praticienne était liée par un contrat d'exercice libéral.

            Mme L. était ainsi admise à l'hôpital local le vendredi 25 mars 2011 vers 17 heures, sans avoir vu aucun médecin depuis le 23 mars, date de sa dernière consultation avec le Dr Damien B.. Elle ne devait pas davantage bénéficier d'une consultation de médecine pendant tout le week-end, ni le vendredi 25 mars, ni le samedi 26, ni le dimanche 27, la patiente ayant été prise en charge par les seules infirmières de l'hôpital local qui, en dépit de l'aggravation de son état, n'allaient en référer à aucun médecin, ni au Dr M. qui n'était pas de garde ce week-end là, ni au médecin de garde lui-même.

            En effet, à la fin de l'après-midi du vendredi 25 mars, Mme Laëtitia L. allait présenter les signes neurologiques évocateurs d'un syndrome dit de la queue de cheval, notamment une perte de la sensibilité au niveau du bassin ainsi qu'une dysurie qui allait nécessiter une évacuation par sondage pendant tout le week-end à l'initiative du personnel paramédical de l'établissement hospitalier.

            Le lundi matin 28 mars 2011 vers 8 heures, alors qu'e1le s'était rendue au chevet de sa patiente, le Dr M., constatant l'ampleur de l'aggravation de son état, prescrivait son transfert en urgence vers le centre hospitalier privé de Saint-Grégoire où, dans la soirée, Mme L. allait être opérée par le Dr B. qui pratiquait ainsi une discectomie L5-S1 avec exérèse de la hernie dont un volumineux fragment s'était détaché pour migrer en arrière du sacrum.

            Le 20 octobre 2011, bien que n'étant pas encore consolidée des suites de cette intervention, Mme L., qui souffrait de graves troubles, saisissait la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Bretagne (la CRCI )d'une demande tendant à l'organisation d'une mesure d'expertise médicale au contradictoire de l'ensemble des praticiens et établissements hospitaliers ayant eu à connaître de sa situation. Le Dr S., expert en chirurgie orthopédique et traumatologique, était ainsi désigné par décision de la CRCI en date du 13 février 2012. L'expert déposait son rapport le 17 mai 2012.

            Par décision prise le 24 janvier 2013, la CRCI concluait à une prise en charge défaillante et à une responsabilité partagée entre le Dr B., le Dr M. et 1'hôpital local de Saint-Brice-en-Cogles qui, par leurs manquements conjugués, avaient contribué à une perte de chance - à hauteur de 80 % - pour la patiente d'éviter le dommage dont elle était désormais atteinte, la commission ayant finalement partagé cette responsabilité à concurrence de 8 % pour le Dr B., 36 % pour le Dr M., et 36 % pour l'hôpital local.

            Après l’échec de la procédure amiablela victime a saisi  le tribunal de grande instance de Rennes, par actes des 2 et 4 octobre 2013, d'une demande d'indemnisation dirigée à l'encontre du seul Dr M. et de son assureur, la société La Médicale de France, la CPAM d'Il1e-et-Vilaine (qui avait pris en charge l'ensemble des soins au titre de la législation sur les maladies professionnelles eu égard à la profession d'ambulancière de la patiente) et la société Uni Mutuelles (assureur complémentaire santé) ayant quant à elles été appelées en cause par actes des 8 et 24 octobre 2013.

            Enfin et par acte du 26 février 2014, le Dr M. et la société La Médicale de France faisaient elles-mêmes assigner le Dr B. devant le tribunal, aux fins d'être garanties par lui de tout ou partie des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre. La jonction des deux instances était prononcée par ordonnance du juge de la mise en état en date du 17 avril 2014.

            Le tribunal a retenu que la prise en charge de la patiente par le Dr M. avait été fautive et que le retard de diagnostic, dont elle était à l'origine, avait privé la victime de la chance d'une évolution favorable de son état, fixant cette perte de chance à 80 %. En application de l'équivalence des conditions, le tribunal a jugé que le Dr M. devait être condamnée in solidum avec son assureur à indemniser Mme L. de l'intégralité du préjudice subi, en l'occurrence la perte de chance de recouvrer l'intégralité de ses facultés physiques. Le tribunal a en outre considéré que la patiente ayant été renvoyée par le chirurgien aux bons soins de son médecin traitant, aucune faute ne pouvait être reprochée au Dr B. et a rejeté toutes les demandes dirigées contre lui. Le tribunal a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale confiée au Dr B. afin de déterminer les préjudices subis par Mme L. consécutivement au syndrome de la queue de cheval dont elle a été victime et à son traitement tardif, lui a accordé une provision à hauteur de 25 000 €.

            Le Dr M. et son assureur ont interjeté appel de cette décision. La Cour d’Appel ……  a retenu à son encontre un manquement fautif et qui aurait été en lien direct et certain avec le dommage, dont la victime sollicite la réparation en s’appuyant notamment sur l'expertise faite par le Dr S ,à la demande de la CRCI de Bretagne qui précise que face à la majoration des douleurs présentées par sa patiente, à laquelle des doses croissantes d'antalgiques (morphine) étaient pourtant administrées, le Dr M. a décidé le 25 mars 2011 de l'admission de Mme L. à l'hôpital de St Brice de Cogles en ne cherchant aucunement à joindre un spécialiste de la pathologie rachidienne, à l'adresser à un service d'urgence ou de neuro-chirurgie d'orthopédie rachidienne, ou de neurologie ou de rhumatologie. Ces différents manquements du Dr M. sont donc clairement fautifs.

            La Cour en conclut que les manquements du Dr M. tels que caractérisés ont fait perdre dès l'après-midi du 25 mars 2011, la chance à sa patiente de ne pas souffrir du syndrome de la queue de cheval et notamment lorsqu'elle a ressenti l'explosion dans son dos correspondant à la migration d'un morceau de la hernie discale vers le sacrum, de manière fondée, le tribunal a retenu une perte de chance de 80 % d'échapper à la complication et sans avoir à envisager un complément d'expertise. (C.A. Rennes,.5e chambre.13 Février )