Le 6 mai 2011 Mademoiselle X.. a saisi la juridiction prud’homale notamment d’une demande de dommages-intérêts pour préjudice économique , en soutennt qu’elle est née au Maroc en 1982, a fait l’objet dans ce pays d’une adoption conformément au droit local (’kafala’) par les époux Y..., résidents en France ;qu’elle  a vécu au domicile du couple en France, à compter de 1994, alors qu’elle était âgée de 12 ans.qu’à la  la suite d’une plainte avec constitution de partie civile, qu’elle a déposée à leur encontre, les époux Y... ont été définitivement condamnés par la cour d’appel de Versailles, chambre correctionnelle, le 14 septembre 2010, pour avoir, entre le 17 juillet 1998 et le 17 juillet 2001, alors que sa vulnérabilité ou son état de dépendance leur était apparent ou connu, obtenu d’elle, la fourniture de services non rétribués ou contre une rétribution manifestement sans rapport avec le travail accompli, faits prévus et réprimés par les articles 225-13 et 225-19 du code pénal dans leur rédaction alors en vigueur.

            La cour d’appel de Versailles, chambre sociale, a rejeté la demande de Mme X... en indemnisation de son préjudice économique, aux motifs que les époux Y... ont été définitivement condamnés pour avoir, entre le 17 juillet 1998 et le 17 juillet 2001 commis le délit de rétribution inexistante ou insuffisante du travail fourni par une personne vulnérable, que la requérante réclame des dommages-intérêts en faisant état d’un préjudice économique lié à l’absence de versement d’une rémunération quelconque durant le temps où elle dit avoir travaillé au domicile des époux Y..., que toutefois les sommes qu’elle demande le sont à partir d’un contrat de travail dont il n’est aucunement justifié alors qu’il lui appartient d’apporter la preuve de l’existence de la relation salariée.

            Mademoiselle X. se pourvoit en cassation soutenant que :

                    -       le travailleur tenu en état de servitude, qui a fourni sous la contrainte une prestation de travail subordonnée sans contrepartie ou moyennant une contrepartie sans rapport avec l’importance du travail fourni, est en droit de réclamer à cet employeur devant la juridiction prud’homale la réparation du préjudice économique que lui a causé cette infraction ; qu’en l’espèce, il ressort des propres constatations de l’arrêt attaqué, qu’aux termes d’un arrêt définitif de la cour d’appel de Versailles en date du 14 septembre 2010, « M. et Mme Y... ont été condamnés pour avoir, entre le 17 juillet 1998 et le 17 juillet 2001, commis notamment le délit de rétribution inexistante ou insuffisante du travail fourni par une personne vulnérable »

                    -      L es décisions de la juridiction pénale ont au civil l’autorité de chose jugée à l’égard de tous, et qu’il n’est pas permis au juge civil de méconnaître ce qui a été jugé par le tribunal répressif ; ,qu’il ressortait des motifs de l’arrêt correctionnel du 14 septembre 2010 que la jeune fille, non scolarisée, dépourvue de titre de séjour et « inapte à se débrouiller seule » avait, dès son arrivée en France en 1994, à l’âge de onze ans, été « … chargée en permanence, sans bénéficier de congés, de la grande majorité des tâches domestiques au sein de la famille Y..., lesquelles comportaient de surcroît des responsabilités sans rapport avec son âge, rétribuées seulement par un maigre argent de poche ».

                     -      l’ordre public international s’oppose à ce qu’un employeur puisse se prévaloir des règles du droit commun pour évincer, par l’absence de contrat de travail, l’application du droit du travail dans un conflit élevé par un salarié placé à son service sans manifestation de sa volonté et employé dans des conditions de subordination et de dépendance ayant méconnu sa liberté individuelle et ses droits élémentaires aux contreparties de son travail Motifs de l’arrêt

            Au visa de  l’article 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, des articles 2 et 4 § 2 de la Convention sur le travail forcé, adoptée par la conférence générale de l’Organisation internationale du travail le 28 juin 1930, et ratifiée par la France le 24 juin 1937, l’article 1er d) de la Convention supplémentaire relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage, adoptée le 30 avril 1956 et entrée en vigueur en France le 26 mai 1964, l’article 1er de la convention n° 138 du 26 juin 1973 de l’Organisation internationale du travail concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, ratifiée par la France le 13 juillet 1990 , les articles 19 et 31 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, entrée en vigueur en France le 6 septembre 1990 , La Cour de Cassation a dit et jugé que  la victime d’une situation de travail forcé ou d’un état de servitude a droit à la réparation intégrale du préjudice tant moral qu’économique qui en découle, en application de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, et que ce préjudice est aggravé lorsque la victime est mineure, celle-ci devant être protégée contre toute exploitation économique et le travail auquel elle est astreinte ne devant pas être susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social.

            La Cour censure  la Cour de Versailles d’avoir jugé comme elle l’a fait, alors qu’il résultait de ses constatations que la juridiction pénale, pour entrer en voie de condamnation, avait constaté que Mme X..., mineure étrangère qui ne disposait pas d’un titre de séjour comme étant entrée en France en utilisant le passeport de la fille des époux Y..., ce qui créait pour elle un risque d’être reconduite vers son pays d’origine, était chargée en permanence de la grande majorité des tâches domestiques au sein de la famille, lesquelles comportaient des responsabilités sans rapport avec son âge, qu’elle n’était pas scolarisée et que les époux Y... n’avaient jamais entrepris de démarches pour l’insérer socialement.( Cass.Soc. 03 avril 2019N° 16-20.490.)