Mme [M] a été engagée par la société Pharmacie mahoraise (la société), le 7 janvier 2003, en qualité de caissière. Licenciée pour faute grave, par lettre du 19 juillet 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

         La Cour d’Appel de SAINT DENIS DE LA REUNION a  jugé que licenciement a été valablement prononcé pour faute grave et a  débouté la demanderesse de l'ensemble de ses demandes, en affirmant que le procédé utilisé par l'employeur , la vidéosurveillance , comme moyen de preuve, n'avait pas porté une atteinte disproportionnée à la vie personnelle de la salariée,.

       La salariée se pourvoit en cassation en soulevant le manque de base légale  du raisonnement des premiers juges , au regard des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales , au motif que la vidéosurveillance avait été mise en place sans respecter les procédures légales applicables.

.        La  Cour de Cassation , au visa de de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code de procédure civile , affirme que,  « …. dans un procès civil, l'illicéité dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »

        Elle poursuit en relevant qu’en présence d'une preuve illicite, le juge doit d'abord s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

        La haute Cour relève qu’en l’espèce la   cour d'appel a d'abord constaté qu'il était démontré qu'après avoir constaté des anomalies dans les stocks, la société avait envisagé l'hypothèse de vols par des clients d'où le visionnage des enregistrements issus de la vidéo protection, ce qui avait permis d'écarter cette piste ;que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses et avait été réalisé par la seule dirigeante de l'entreprise.

        La cour de Cassation  a rejeté le pourvoi de la salariée ,en retenant que de ces seules constatations et énonciations de la Cour d’Appel  il résulte que celle -ci a mis en balance ,de manière circonstanciée ,le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l'entreprise, en tenant compte du but légitime qui était poursuivi par l'entreprise, à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens, la cour d'appel a pu déduire que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.( Cass. Soc.,14 févr. 2024. N° 22-23.073, F-B . JurisData N° 2024-001483.)